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PATRICE MATHYS

Histoires d'eau dans la région de Sainte-Croix


Nous abordons ici un ensemble de disciplines allant de la géographie à l'histoire en passant par l'architecture, la sociologie ou l'économie, pour ne citer que les principales. Des origines aux temps modernes, nous nous sommes intéressés à l'action de l'homme confronté au forces naturelles et comment, au fil de l'eau, bien tellement rare dans cette région, celui-ci a su tirer profit d'une situation plutôt défavorable au départ et aménagé son environnement tel qu'il est de nos jours.
En sera-t-il toujours ainsi ? Comment la région continuera-t-elle son développement ? Afin d'en savoir plus, nous avons eu la chance de pouvoir questionner deux acteurs importants de la vie locale qui nous donnent leur point de vue.

Si le plateau suisse offre de nombreux lieux prédestinés pour l'établissement de villes ou de villages, force est de constater que la région de Sainte-Croix est située dans un site plutôt inhospitalier. Cette situation, au fil du temps, a développé chez cette population des qualités humaines originales et caractéristiques. Comme nous l'avons décrit, elle a connu de nombreux revers au cours de son histoire ; cependant elle a toujours réussi à s'adapter, à rebondir, en surmontant fièrement des difficultés fondamentales liées aussi bien à la nature des lieux qu'à l'activité humaine ou à l'évolution du monde.

Sainte-Croix entre hiver et printemps

Sainte-Croix se situe sur l'arc jurassien de Genève à Bâle, montagnes et vallées se succèdent dans un environnement naturel préservé, dans l'une des parties les plus tourmentées du Jura Central, à la pointe nord-ouest du canton de Vaud, en bordure de la France et du canton de Neuchâtel. N'étant pas aussi bien délimitée que la Vallée de Joux et le Val de Travers. Le site qui nous intéresse se trouve ainsi relativement délimité par les Aiguilles de Baulmes, la chaîne du Chasseron, les cluses de Longeaigue et la modeste crête de la Vraconnaz. Au pied du Chasseron, face au lac de Neuchâtel, s'étend le Balcon du Jura vaudois et aucun obstacle naturel important ne vient séparer Sainte-Croix, Les Rasses, Bullet, Les Clubs et Mauborget. Du côté français, seul la frontière nationale délimite le cadre géographique de la région.

Dans cette région où la nature est souveraine, ce sont de grands espaces à perte de vue peu fréquentés. Il n'est pas difficile d'imaginer qu'ici, encore en 1810, vivaient des ours bruns et que les loups étaient dans leurs éléments jusqu'en 1890.

Les lieux ayant été longtemps décrits comme peu accessibles, offrant un sol plutôt ingrat et avec peu d'eau disponible, il est important maintenant de considérer l'activité des hommes et de voir comment ces conditions à priori repoussantes ont permis aux gens de la région de se surpasser et de gagner le dur combat contre la nature.

      

©  Archives de la commune de Sainte-Croix

Historique
Les Romains furent les premiers à tirer la contrée hors de son isolement. Ils établirent au travers du Jura une route reliant Lausanne et Yverdon à Besançon par Pontarlier. Il n'y avait probablement à cette époque qu'une ou deux maisons servant de relais. Plus tard lors des invasions barbares toutes vies disparurent.

Dès le XIIe siècle, des seigneurs du Pied du Jura tournent leur regard vers la montagne et y installent des albergataires (aubergistes) en leur accordant des franchises.

La population était entièrement vouée à l'agriculture, elle doublera en deux siècles. En 1803, on estime la population à 2450 habitants. En 1900 ce nombre passe à 6000 et en 1930 on dénombre 6340 habitants. Cette explosion de la population est sans doute due à l'essor de l'industrie. L'agriculture s'étiole toujours davantage. En 1930, 74% de la population est active dans l'industrie et plus que 5,5% dans l'agriculture. Cette transformation du mode de vie et la diminution du travail à domicile entraîne inexorablement les populations des nombreux hameaux vers le centre. En 1800, la population des Granges et de Sainte-Croix est égale : 1300 habitants de part et d'autres ; en 2000, il ne reste que 1000 habitants aux Granges et environ 3000 à Sainte-Croix. Il est intéressant de voir comment ce rapide développement de population et de changement de nature d'activité a chamboulé l'architecture et l'aménagement de ce territoire.

Des mines de fer
Des mines de fer qui se trouvaient au sud du plateau de L'Auberson, entre La Limasse et Jaques, furent exploitées jusque vers 1800. Le Vallon de Noirveaux, alors riche en eaux ruisselantes, a été le lieu d'une activité intense et le berceau de la colonisation industrielle du Haut Jura. Ce Vallon fut durant des siècles le siège d'une activité intense : moulins, scieries, hauts fourneaux, forges... De ces forges sortaient des plaques de cheminées, des socs de charrue, des outils, des clous, etc. Par exemple, en 1572, après le massacre de la Saint-Barthélemy, les genevois craignant les catholiques commandèrent trente mille boulets de canon des mines de L'Auberson.

Tourisme et loisirs

L'activité touristique touche non seulement la commune de Sainte-Croix mais aussi celles de Bullet et de Mauborget qui forment ensemble la région dénommée "Balcon du Jura Vaudois". Terrasse ensoleillée dominant le lac de Neuchâtel, elle offre une vue spectaculaire sur les Alpes. Depuis Bullet, c'est en fait le plus large panorama de Suisse qui s'offre aux yeux du promeneur. Le regard embrasse la plus grande partie du plateau suisse et balaie la longue chaîne des Alpes de la Jungfrau au Salève en passant par l'imposant Mont-Blanc.

Sainte-Croix à la Belle Époque  ©  Éditions Slatkine

Le Balcon du Jura Vaudois est un lieu de séjour et de loisirs été comme hiver, facilement accessible toute l'année, à proximité des grands axes autoroutiers et ferroviaires. Vaste terrain d'aventure pour les amateurs de ski de fond et autres activités de plein air, c'est la nature à l'état brut, champs et forêts s'étendant à perte de vue. En été, préservé de la chaleur grâce à l'altitude et aux forêts d'épicéas, on peut pratiquer la course, la nage, la grimpe, la randonnée et le VTT. En hiver, à part le ski de fond, le ski de piste, la luge, le patinage, la raquette de randonnée et le parapente. Les Rasses, situé sur la commune de Bullet, est à l'origine du développement du tourisme dans la région.
 


EXTRAIT DE L'ENTRETIEN du 4 mars 2004 avec JEAN-CLAUDE PIGUET,
Directeur du Journal de Sainte-Croix.


Eau 21 : Pouvez-vous vous présenter, êtes-vous natif de Sainte-Croix ?
J.-C. Piguet : Non, jusqu'à l'âge de 16 ans j'ai vécu à la Vallée de Joux où mes parents étaient horlogers, et où jusqu'en 1973, ils n'ont jamais connu une heure de chômage, au contraire, on allait travailler le dimanche matin. C'est un métier très dur qui était marqué par des cadences industrielles très exigeantes.

Eau 21 : Quoi de plus naturel chez soi que d'ouvrir un robinet et d'avoir de l'eau. En a-t-il toujours été ainsi ?
J.-C. Piguet : Il faut savoir que l'électricité arrive à Sainte-Croix qu'en 1895 et l'eau quatre à cinq ans plus tard. Dans les communes voisines, l'eau n'est arrivée qu'en 1925 - 1930. Avant l'eau courante, les gens s'approvisionnaient à des fontaines alimentées par des sources, comme par exemple La Sagne, c'est une source intarissable et pratiquement sans risque de pollution vu sa situation.

Eau 21 : À Sainte-Croix, après des années de prospérité incroyable et de tradition industrielle, vint la chute. Que s'est-il passé ?
J.-C. Piguet : Avec la crise économique des années septante commence une lente agonie qui aboutira à la chute finale et au départ de l'usine Paillard en 1985 : 400 ouvriers disparaissent. La même année l'entreprise Lador fait faillite : cent cinquante emplois passent à la trappe. D'autres cas encore alourdissent le bilan de la perte d'emplois. Cette année fut vraiment une année épouvantable.
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EXTRAIT DE L'ENTRETIEN du 22 mars 2004 avec LUC MARTIN,
Syndic de Sainte-Croix


Eau 21 : Qui dit agriculture, dit besoin d'eau. Les agriculteurs sont-ils confrontés à des problèmes de pénurie d'eau ?
L. Martin : Il est vrai que dans le Jura l'eau a toujours été un problème car les sources sont rares. Heureusement, toutes les exploitations sont reliées au réseau. L'approvisionnement est donc garanti. Seules quelques fermes isolées continuent d'utiliser la récupération des eaux de pluie dans des citernes.

Eau 21 : En plus de l'agriculture, l'exploitation des ressources forestières est aussi une activité traditionnelle de la région. Qu'en est-il aujourd'hui ?
L. Martin : La commune de Sainte-Croix est propriétaire d'environ 1600 hectares de forêts. Par le passé l'exploitation des forêts pouvait générer des revenus d'un million pour la Commune en 1982, alors qu'actuellement elle représente un coût après exploitation de près de quatre cents mille francs. Il est prévu, afin de réduire ces charges, de collaborer avec d'autres communes et de modifier les techniques d'exploitation vers une plus grande mécanisation.

Eau 21 : Comment voyez-vous l'avenir de votre Commune ?
L. Martin : Dans la vie, il y a toujours des choses qui vont bien et d'autres moins. Mais je suis optimiste pour ma région. Nous allons poursuivre notre développement d'une façon maîtrisée, sans nous lancer dans des investissements inconsidérés. Nous avons de réels atouts. Nous soutenons le tourisme en tant qu'activité économique à développer dans l'intérêt du commerce local. Sainte-Croix et sa région sont une destination de proximité idéale, rapidement accessible aux Romands, offrant une large palette d'activités de loisirs.
 


EXTRAIT DE LA CONCLUSION DE PATRICE MATHYS

Si le plateau suisse offre de nombreux lieux prédestinés pour l'établissement de villes ou de villages, force est de constater que la région de Sainte-Croix est située dans un site plutôt inhospitalier. Cette situation, au fil du temps, a développé chez cette population des qualités humaines originales et caractéristiques.

Aujourd'hui plus que jamais, semble-t-il, les activités traditionnelles de la région - que ce soit l'agriculture, l'exploitation forestière, l'industrie de mécanique fine ou le tourisme - sont durement fragilisées.

Est-ce que la maximisation des profits et la politique voulue par la globalisation de la fin du XXe siècle finira par éliminer les régions périphériques, leurs caractéristiques et savoir-faire régionaux qui sont autant de richesses pour l'humanité ?


 


PATRICE MATHYS est né en 1961. Il fait des études universitaires en sciences économiques à Lausanne. Il a été actif dans le cadre de l'organisation de missions de surveillance auprès des Ambassades suisses au Liban et Chypres. Ensuite, il a été chef de vente, directeur d'une école de langues, puis il s'est investi dans la gestion de PME en Suisse et en Europe, ainsi que dans la gestion financière.



CONTENU :
36 pages, photos couleurs

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Avril 2004
 


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