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JEAN LOODTS

Gestion de l'eau : Le cocktail helvétique


Cette étude a été conduite par un belge surpris par la réalité de la gestion de l'eau en Suisse qui est réalisée à un niveau très local, par un mélange de concepts microscopique et macroscopique, de techniques de terrain et d'informatique pointue. Cela lui a imposé le titre, Gestion de l'eau : "Le cocktail helvétique".
C'est sur le rythme de "Smoke on the water – fire in the sky" du groupe mythique Deep Purple que ce spécialiste des domaines géomatiques nous informe des réalités hydrographiques sur le plan général en Suisse et sur une réalité plus locale. Nous présentons ci-dessous une partie de ses recherches.
"L’année internationale de l’eau 2003 aura aussi été celle de tous les excès de la météo. Avec l’été exceptionnel qu’ils ont vécu, les Suisses ont à nouveau réalisé que même le "château d’eau de l’Europe" n’était pas à l’abri de la sécheresse. De l’eau, il en aura été beaucoup question cette année-là. Pas moins de cent communes du pays ont mis sur pied des manifestations et quarante projets ont reçu le soutien des deux offices fédéraux concernés et de la Direction du développement et de la coopération (DDC). Mais bien sûr, les efforts ne doivent pas se limiter à une année symboliquement dédiée à l’eau. La Suisse continuera donc à mener sa politique de gestion des eaux selon trois grands axes : préserver les écosystèmes, prévenir les effets des changements climatiques et lutter contre les pollutions.

D’innombrables substances chimiques parviennent dans nos eaux, mettant en danger les plantes, les animaux et l’homme lui-même. Les cantons se donnent les moyens de prendre les mesures de protection nécessaires en subdivisant leur territoire en secteurs de protection des eaux à savoir les secteurs particulièrement menacés et les autres secteurs. La fonction d’une zone de protection des eaux souterraines est d’éviter toute atteinte à la nappe dans laquelle on prélèvera de l’eau potable. On la délimite autour des captages d’intérêt public, c’est-à-dire dont l’eau est conforme aux exigences de la législation sur les denrées alimentaires, en englobant aussi les installations d’alimentation artificielle. Ces zones constituent la principale mesure d’organisation du territoire destinée à protéger les eaux en vue de leur exploitation.

Les "grands lacs" (Léman, Neuchâtel et Joux) sont en assez bonne santé, alors que les "petits lacs" (Bret, Bretaye) sont très eutrophes. Le phosphore (facteur responsable de l’eutrophisation) a nettement diminué dans le Léman mais doit encore baisser pour que ce lac retrouve l'état des années cinquante. La qualité du lac de Joux est bonne, malgré la récurrence du "sang des Bourguignons" (algue rouge).

Lac de Joux

Actuellement, en Suisse, les services des eaux captent plus de 80% de leur eau potable dans les nappes d’eau souterraine ou les sources. En règle générale, ces ressources sont exploitées en respectant le principe de durabilité, afin qu’elles puissent se renouveler continuellement. L’approvisionnement en eau industrielle et en eau potable représente en moyenne 5% des précipitations annuelles. Une législation rigoureuse permet de préserver les zones de captage d’eau potable contre la pollution due par exemple aux eaux d’infiltration polluées, aux engrais et aux produits phytosanitaires. La protection est plus élevée à proximité du captage.

Le terme "gestion des eaux" regroupe toutes les interventions humaines ciblées dans le cycle de l'eau. Pour que les cours d’eau de notre pays puissent assurer leurs multiples fonctions, ils doivent être remis en réseau avec leur environnement. Cette démarche implique une étroite collaboration entre les divers spécialistes de différents secteurs. L’OFEG (Office fédéral des eaux et de la géologie) fournit entre autres les bases de planification et les instruments de travail. Précédemment, avec le réseau d’eau, l’acteur de la STEP était à la base de la source au consommateur. Dans l’ère de la gestion des eaux, la STEP est un double acteur de réseau. Il est à la base de la source de données au consommateur de modèles multidisciplinaires.

Vers 1970 apparaissent les Systèmes d’information géographique (SIG) qui sont une série de logiciels permettant la saisie, l’analyse, le stockage et la communication de données géographiques. Vers 1990 apparaissent progressivement des systèmes, permettant la gestion administrative, dédiés à la gestion de données spatiales. Ces systèmes sont dénommés "Système d’information territorial" (SIT) dédiés à la gestion de l’eau plus connue sous le terme hydrologie.

Les cartes sont des instruments importants pour représenter les données liées au territoire. Du point de vue des eaux souterraines, elles indiquent notamment l'étendue et la profondeur des nappes phréatiques ainsi que la direction d'écoulement des eaux souterraines. Elles permettent de repérer le niveau d'une nappe, par exemple dans le cadre d'un projet de construction. Les indications relatives à la direction d'écoulement sont utiles pour l'approvisionnement, puisqu'elles permettent de déterminer la provenance de l'eau captée ou de choisir le meilleur emplacement pour exploiter une nouvelle nappe. Le SIG permet d'établir notamment une carte synoptique des zones de protection des eaux souterraines et une carte synoptique des secteurs de protection des eaux. Les eaux potables et industrielles proviennent à plus de 80% des eaux souterraines. Celles-ci constituent donc notre principale source d'approvisionnement. Il s'avère indispensable de procéder à un suivi approfondi tant quantitatif que qualitatif de cette ressource afin de garantir son existence à long terme. La force d'un SIG réside dans sa capacité à pouvoir synthétiser l'information provenant de plusieurs niveaux et à pouvoir la représenter sous forme de cartes thématiques.

Vue orthophotographique de la commune de Vallorbe

Le territoire sur lequel nous vivons constitue le cadre de toutes nos activités sociales, économiques et culturelles. Son étendue limitée nous impose d’utiliser le sol de façon mesurée et rationnelle. Ceci implique d’avoir en permanence une vue exhaustive sur l’état de ce territoire, de même que sur les processus qui s’y déroulent. Les systèmes d’information du territoire SIT apportent une "pierre de taille" à cet édifice. Ils contribuent à une meilleure connaissance du territoire et des infrastructures qui s’y trouvent, et à une meilleure compréhension de son fonctionnement et des activités qui s’y déroulent par intégration des métiers, ceci par une utilisation plus large et une exploitation plus complète des données y relatives. Indéniablement une nouvelle alliance naît de l’intégration des métiers. Pour le développement de SIT communaux en particulier, les arguments en faveur de la définition et de l’utilisation des modèles de données standards sont les suivants : a) orienter et homogénéiser le développement de SIT ; b) faciliter l’échange des données entre partenaires et assurer la gestion à long terme des données ; c) limiter les coûts d’investissement et d’exploitation.
La mise à disposition des modèles de données représente clairement un besoin pour favoriser la mise en place de SIT communaux. Toutefois, les communes ont besoin de solutions simples mais rigoureuses, et qui leur permettent de s’assurer de la pérennité de leurs données. Ainsi, les modèles proposés doivent être décrits de façon à être indépendants des systèmes et des technologies actuels, sur l’évolution desquels les communes n’ont pas ou que très peu d’influence.
 


Dans le cadre de son étude sur la gestion de l’eau, Jean Loodts a rencontré, en juin 2004, Charles Pittet, chef du Service des eaux de Vallorbe, qui lui a expliqué l’historique et la politique de sa commune en la matière.
"En 1980, Vallorbe a instauré un des premiers systèmes d’information territoriale vaudoise, mais les premiers plans de réseaux datent de 1897, suivi des plans de bornes hydrantes. L’origine du SIT à Vallorbe se présente comme suit : jusqu’en 1981–1983, pour 3500 habitants sur onze millions de m3 d’eau introduits dans le réseau, nous observions 70% de perte provoquée par des fuites, d’où la nécessité de mieux gérer le pompage, la qualité des réservoirs, le type et le nombre de fuites, les trous dans les routes, etc. C’est ainsi que je reportais sur un croquis chaque fuite, chaque trou dans les rues, etc. Ce croquis était traité par le service technique communal ; ce fut le début du SIT."

"Le SIT est-il une requête cantonale ? "
Le SIT est devenu une requête pour la qualité et la protection des eaux. Les canalisations des eaux usées ne sont pas étanches, elles datent des années trente et sont trop vieilles. Actuellement, un bureau d’ingénieurs exécute, à l’aide d’une caméra spéciale, une recherche sur l’état des joints et l’étanchéité du réseau, afin d’éviter une contamination de l’eau. Un autre bureau d’étude s’occupe de la mise à jour du réseau de canalisation et d’égouttage. Le Laboratoire cantonal, avec qui nous avons de très bons contacts, demande un relevé des débits et des pressions sur les bornes hydrantes pour éviter des problèmes de distribution. Le Laboratoire cantonal nous aide en cas de perte de rendement et cherche avec nous une solution. Le système de SIT qui est utilisé à Vallorbe n’est pas encore généralisé dans le canton de Vaud. Chaque commune gère ses réseaux d'eaux usées, claires, potables, selon sa propre planification.

Vue de Vallorbe et du Mont d’Or

"Le concept de sécheresse est différent selon que l’on s’adresse aux paysans, aux médias et aux offices fédéraux. Avez-vous des inquiétudes à ce sujet ? "
En été 2003, pendant la sécheresse, on s’est inquiété, bien sûr. Mais il n’y a pas vraiment eu un critère de sécheresse à Vallorbe. Un critère de sécheresse serait 3000m3/jour (83 l/s). L’année dernière, on disposait encore d’un débit supérieur à 170 l/s en fin de période dite de sécheresse ; le débit baissait mais nous produisions encore de l’électricité, alors que l’eau potable avait priorité. La consommation fut certes supérieure mais aucune restriction ne fut imposée. En d’autres années de sécheresse, le débit est même descendu à 140 l/s.

"Pour conclure, la situation du point de vue de l’eau de votre commune est donc idéale ? "
C’est vrai que nous sommes un peu des privilégiés au creux de nos montagnes. L’eau de notre réseau est de qualité et disponible en grande quantité. Notre service est serein face à l’avenir, même s’il faut garder à l’esprit que nous sommes sur un axe routier, ferroviaire et aérien, offrant un risque potentiel de pollution pour nos sources.
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Jean Loodts poursuit son enquête avec Jean-Michel Duvoisin, chef des Services industriels de Sainte-Croix, qui lui a développé l'historique et la politique de sa commune dans ce domaine.
"En Suisse, la responsabilité de la distribution de l’eau est confiée aux communes qui doivent prendre les dispositions pour fournir en tout temps une eau en quantité suffisante et de qualité irréprochable sur leur territoire. La Confédération édicte les lois en la matière puis les cantons approuvent les différents règlements des distributeurs et font office d’organisme de contrôle tant pour les aspects liés à la qualité que pour la réalisation des différents ouvrages et la construction des réseaux. Pour ce qui concerne notre canton, tous les projets sont également soumis à l’ECA, qui participe à leur financement pour les parties liées à la défense incendie, tâche également placée sous la responsabilité des communes."

"Quelle est la situation de Sainte-Croix ? "
Pour des raisons historiques et géographiques liées à l’étendue de la commune, notre situation est assez particulière. Si notre service est impliqué dans la distribution de l’eau pour une vingtaine de communes regroupant plus de 8000 habitants, dont pour moitié par le biais de l’exploitation de l’Association d’amenée d’eau Onnens – Sainte-Croix, nous assumons environ 85% de l’approvisionnement communal, et deux sociétés privées interviennent sur notre territoire, l’une pour le hameau de La Sagne et la seconde pour le village de L’Auberson et ses environs. Des concessions octroyées par la Municipalité régissent les délégations de compétences à ces organismes et l’autorité politique reste responsable de leur bon fonctionnement.
En 1960, date de la constitution de l’amenée d’eau Onnens – Sainte-Croix, notre commune, au vu de l’essor industriel d’alors et des fréquentes pénuries d’eau en période d’été, s’est fortement investie et a été le moteur principal de ce projet. Progressivement et au fil des années, quatorze autres communes y ont adhéré en tant que membres, alors que l'on compte encore six autres comme clientes, ainsi qu’un partenaire industriel. En cas d’été particulièrement sec comme en 2003 par exemple, l’alimentation du Balcon du Jura a pu être garantie en permanence par le recours, certains jours et au plus fort de la sécheresse, jusqu’à 80% de l’eau pompée dans la nappe phréatique d’Onnens !

"D’autres avantages donnés par les connexions intercommunales ? "
Un autre avantage essentiel est lié à la nécessité de disposer de capacités suffisantes pour la défense incendie. C’est une exigence du Canton de Vaud, qui dispose d’une assurance incendie obligatoire représentée par l’Etablissement cantonal d’assurance (ECA). Cet organisme supervise les projets communaux et exerce une vue d’ensemble sur la distribution, les postes de défenses et les réservoirs.

"Vallorbe nous a parlé de pertes dans son réseau d’eau de l’ordre de 70% à un certain moment; et Sainte-Croix ? "
À Sainte-Croix, plus de 60% de notre eau est pompée, que ce soit l’eau indigène, ou au travers du réseau intercommunal. Dès lors, il est impératif de consacrer des efforts constants sur la recherche et la réparation des fuites. Malgré tout, avec un réseau de plus de 80 km encore constitué pour plus de 70% de conduites en fonte âgées de cinquante à nonante ans, il est très difficile de maintenir un taux de fuite inférieur à celui que l’on enregistre actuellement soit 20%. En quinze ans nous avons toutefois pu diminuer nos fuites de 30% et réduire nos coûts annuels de pompages de l’ordre de trente mille francs.

"Pouvez-vous décrire l’historique et le fonctionnement de votre SIT ? "
Nous avons chargé le bureau Hydro-Concept Sàrl de réaliser un système d’information territorial SIT, afin de permettre que tous les plans de la commune soient réunis sur informatique. Ce système sera en outre doté d’un moteur de calculs hydrauliques pour réseaux (eau, gaz), et il sera possible d’effecteur des simulations pour une optimalisation du dimensionnement des conduites. La transmission des données sera nettement facilitée envers les autres utilisateurs, soit ECA, Laboratoire, bureaux d’études, autres services, etc.



 


©  Hydro-Concept

"Avez-vous des inquiétudes pour l’avenir ? "
Le souci permanent pour un distributeur d’eau est la fourniture constante et en quantité suffisante d’un produit qui réponde aux exigences. Un des soucis, je préfèrerais parler de défi, pour l’avenir, sera de respecter une planification de renouvellement suffisante, ceci malgré les problèmes budgétaires rencontrés par nos collectivités publiques. Nos installations sont parfois dépassées pour ce qu’on leur demande ; ainsi par exemple lors d’étés tendus comme celui de 2003. Des efforts doivent être faits sur les renouvellements de parties de réseaux qui datent souvent de plus de huitante ans. Il s’agira à l’avenir de mieux communiquer avec le consommateur, car les très rares perturbations rencontrées sur la distribution ont progressivement banalisé les efforts constants des distributeurs. Dès que l’on parle d’investissements ou de hausse du prix de l’eau, on se rend compte que le message est difficile à passer et que les consommateurs ont parfois de la peine à comprendre. À titre de comparaison, sur la base d’un prix de 1 franc huitante par m3 tel que pratiqué à Sainte-Croix, la consommation moyenne d’un habitant équivaut à l’envoi d’un seul SMS par jour avec un téléphone portable.
Pour conclure, je dirais que la distribution de l’eau est un domaine très exigeant mais captivant. La passion qui en découle aide beaucoup à assumer cette charge constante et assurer 365 jours par année la distribution correcte de ce bien essentiel.
 


Conclusion de l'auteur de l'étude :

Nous vivons actuellement une période dans laquelle on cherche à mieux comprendre les mécanismes du cycle de l’eau après les avoir successivement combattus, exploités et soignés. La technologie de l’information nous le permet, pour preuve l’utilisation des SIT. Cette tendance, bien que très réelle, est parfois difficile à percevoir en Suisse pour le profane, pour preuve la surprise d’un Belge. La raison tient essentiellement dans la structure politique très décentralisée du pays.
Malgré ces obstacles, on ne peut que constater qu’un gros travail de fond a déjà été entrepris pour parvenir à une gestion intégrée des ressources en eau. La coordination des données, c’est-à-dire leur relevé et leur distribution, est déjà à un stade très avancé. Ces "expériences pilotes" forment aujourd’hui un catalogue de solutions qui facilitent grandement la planification d’aménagements du point de vue de l’intégration dans l’environnement.

STEP de Vallorbe
 


CONTENU :
36 pages A4, photos couleurs

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Septembre 2004
 


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