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PASCAL MAVINGA

Protection légale de l'eau :
cas concrets de pollution de la Broye
 

Venant d’un pays qui n’est pourtant pas un exemple en matière d’anti-pollution, Pascal Mavinga a tout de même été très surpris de la mauvaise qualité des eaux de la Broye et des nombreuses maladies dont souffrent ses résidants. Voici quelques-unes de ses observations et interrogations insérées dans son rapport. D’abords, en tant que licencié en droit, Pascal Mavinga s’est consacré à la loi sur la protection de l’eau et à ses applications.

 

Soucieux de remédier à la pollution constatée durant les années quatre-vingts, les autorités ont réagi d’une manière significative en mettant en place la nouvelle loi sur la protection des eaux de 1991 qui apporta des nouveautés. L’une de ces nouveautés était l’introduction obligatoire des centrales d’épuration des eaux usées au niveau des communes. Désormais il était interdit de déverser directement de l’eau usée dans les cours d’eau. Toute eau usée devait passer par un processus d’épuration. La Confédération encouragea les cantons et les communes à cette nouvelle pratique par l’octroi des subsides destinés à financer la construction des installations (stations d’épuration des eaux usées). L’ordonnance fédérale sur la protection des eaux prévoit dans son article 29 et suivants des zones et périmètres de protection des eaux souterraines. La loi veut faire de la prévention au lieu d’intervenir après une catastrophe. Elle impose une protection tant des eaux souterraines exploitables, des eaux superficielles, que des eaux qui alimentent des captages d’intérêt public, etc. Dans ce périmètre, il est interdit de pratiquer certaines activités pour ne pas souiller l’eau nécessaire à la consommation et à la vie.
L’approvisionnement en eau potable de la Suisse est fait à 83% à travers les eaux de source et 17% à travers les lacs. Ce sont surtout les grandes villes qui s’alimentent en eau des lacs. L’eau du lac subit un traitement simplifié en trois étapes : floculation, fertilisation et désinfection (par chloration). En général, l’eau qui est pompée dans le lac subit un traitement beaucoup plus lourd car elle est de nettement moins bonne qualité que celle des eaux souterraines, qui elles ne subissent pratiquement pas de traitement avant d’être consommées.
L’eau souterraine qui est une source importante de l’eau potable nous vient directement des précipitations. En traversant le sol, l’eau peut entrer en contact avec des impuretés si le sol est souillé. Souvent, c’est l’agriculture qui est responsable de pollutions constatées. C’est pourquoi la loi essaie par le truchement de certaines règles de protéger le sol contre les éléments nuisibles. L’agriculture est soumise au respect de certaines de ces dispositions. L’Ordonnance sur la protection des eaux impose aux éleveurs d’animaux de rentes un certain nombre d’exigences à suivre pour la conformité de la loi. L’agriculture pollue d’une manière diffuse les eaux superficielles.

 

Epandage de lisier sur un champ près de la Broye

 

Pour avoir des rendements plus élevés, l’agriculture utilise des produits lui permettant d’atteindre facilement cet objectif. Elle fait usage de pesticides et de fongicides pour lutter contre l’agression des parasites sur les plantes. Elle utilise des engrais chimiques pour stimuler la croissance des végétaux. L’utilisation de ces produits occasionne graduellement des atteintes au sol. Ils finissent en ruissellement dans les cours d’eau environnants. Deux produits utilisés dans l’agriculture constituent un problème pour l’eau, à savoir : les nitrates et le phosphate. La Confédération encourage les paysans à utiliser de moins en moins ces produits par une campagne de sensibilisation lancée par l’OFEFP. Pour qu’une eau soit autorisée à la consommation, sa teneur en pesticides ne doit pas dépasser 0,5mg/l au total. La Confédération, en adoptant la loi sur la protection des eaux de 1971, avait déjà institué les bribes de la politique d’envergure qu’elle va lancer dans la nouvelle loi de 1991. Cette dernière introduit une nouveauté, à savoir l’obligation pour les communes de construire des stations de traitement d’eaux usées, comme nous l’avons vu. La plupart des communes se mirent au travail afin de satisfaire aux nouvelles exigences imposées par la loi. C’est ainsi qu’aujourd’hui plus de 95% des communes suisses traitent leurs eaux usées. Le résultat de cette nouvelle politique s’est fait sentir au cours des années qui suivirent sa mise en application. La qualité de l’eau des cours d’eau s’est améliorée, ainsi que les biotopes et la biocénose.
Il est clair que les stations traitent les eaux usées mais elles n’arrivent pas à les rendre propres à cent pour cent. Une fois que le processus de traitement est terminé, l’eau rejetée dans les cours d’eau contient encore certaines substances qui nous causent des inquiétudes. Lors de ma visite sur le terrain, en discutant avec le responsable d’une station d’épuration, il m’a fait part de certaines informations peu réjouissantes. Il est évident que l’eau que déversent les stations d’épuration contient encore des substances qui sont à l’origine des maladies ou des malformations constatées sur la population des poissons. Le problème est bien connu mais le résoudre demanderait la mise à disposition de gros moyens. L’état actuel des finances publiques ne permet pas aux collectivités publiques de s’engager dans ce sens. Un autre fléau est à signaler, celui des boues d’épuration. Comme nous le savons, les eaux usées, une fois qu’elles ont terminé le processus de traitement, engendrent des quantités énormes de déchets, notamment les sables, différents éléments solides, et les boues d’épuration. Les boues d’épuration, jusqu’à peu, étaient utilisées comme fertilisants dans l’agriculture. Malgré le fait que les boues contiennent des substances nutritives importantes pour les plantes (azote, phosphore), elles transportent également dans le sol des métaux lourds, des agents pathogènes et des résidus organiques chimiques tels que les médicaments, les hormones naturelles et artificielles ou les parfums. Après quelques années de cette pratique, plusieurs analyses ont démontré que ces boues contenaient des substances pouvant contaminer les plantes, les animaux et les humains. L’Etat a réagi en interdisant l’utilisation des boues comme engrais dans l’agriculture. Les STEP se retrouvent maintenant devant un problème auquel elles n’ont jamais songé. Il leur faut de nouveaux moyens pour organiser l’acheminement des boues dans des sites spéciaux où il est procédé à leur élimination par le feu.

 

La STEP de La Verna

Pour que l’eau soit une ressource utilement recommandable, elle doit avoir certaines propriétés. L’eau, comme milieu naturel de vie pour les poissons, contient des propriétés chimico-physiques propices à accueillir la vie animale et végétale en son sein. Elle doit pour cela ne pas contenir des métaux lourds et certains polluants chimiques tels que nitrates, phosphates, azotes, hormones naturelles et artificielles, etc. Du moment que ces substances sont en augmentation dans un cours d’eau, ce dernier représente un danger pour les êtres vivants. Aujourd’hui, nombres de nos cours d’eau sont devenus des milieux de vie dangereux pour leurs habitants. Une intervention rigoureuse serait nécessaire pour améliorer la qualité de ces milieux naturels.
Bien avant l’introduction de l’interdiction du phosphate dans la lessive, les eaux de nos cours d’eau regorgeaient de nourritures pour ses habitants. Le phosphate, comme nous l’avons soulevé plus haut, a des valeurs fertilisantes très élevées et contribuait ainsi à l’abondance des aliments dans nos lacs. Son interdiction a été suivie par une diminution remarquable de la quantité de nourriture, une conséquence négative pour les populations piscicoles. Quand elle manque dans un tronçon d’un cours d’eau, les poissons présents dans le secteur se disputent le peu de nourriture qu’il y a. Les plus forts en accaparent la grande partie, entraînant ainsi le déplacement des plus faibles ou carrément leur mort. Actuellement les poissons ont un milieu de vie plus ou moins sain, mais ils ont perdu en taille par manque d’abondance de nourriture. On voit que l’être humain, en voulant éliminer un problème, en crée un autre. De nos jours, il est extrêmement rare de faire des prises de perches, de truites et d’ombres de taille de celles qui existaient avant les années quatre-vingt. En outre, la présence des produits chimiques provenant de l’agriculture, des industries, des stations d’épuration, des pluies acides, occasionne des lésions plus ou moins graves sur la santé des poissons.
D’après les entretiens que j’ai eus avec Philippe Savary, garde-pêche de la circonscription 8, qui englobe une partie du district de Payerne et ceux de Moudon et Oron-la-Ville, la grande partie des cas de pollution dont il s’est occupé est causée par l’agriculture. Ces cas de pollution sont le résultat soit d’une négligence lors de manipulation des produits (engrais naturels ou chimiques), soit d’accidents survenus dans les installations agricoles. M. Savary, en cas de pollution provenant d’une ferme, essaie toujours de sensibiliser l’exploitant agricole sur les dangers de pollution qui existent dans l’exercice de son métier. Il est indéniable que la Broye, étant une région essentiellement paysanne, connaît souvent des pollutions d’origine agricole. Elles proviennent des fermes pratiquant l’élevage des gros et petit bétails. Elles proviennent également des laiteries-fromageries, nombreuses dans la région. Il y a également quelques pollutions dues aux rejets des eaux provenant des stations d’épuration de la région. Les pollutions industrielles sont quant à elles insignifiantes et rares. Lors de ses interventions, M. Savary enquête. Il cherche surtout à trouver l’origine et la cause de la pollution. Il doit scrupuleusement déterminer s’il s’agit d’une pollution intentionnelle ou non. À la fin de l’enquête, il adresse ou une lettre d’avertissement au pollueur ou une dénonciation au juge d’instruction. Le plus souvent, le juge ne statue pas mais renvoie l’affaire auprès du préfet pour décision.
M. Savary, qui est très proche de la nature, m’a exprimé ses soucis quant à la perte de qualité des cours d’eau en Suisse. Il s’inquiète du fait que la santé des poissons laisse à désirer. D’après lui, les causes remontent au passé. En effet, il pense que les travaux de corrections des cours d’eau ont détruit le milieu naturel favorable à la vie des poissons. Comme le montre l’étude Fischnetz, le réchauffement atmosphérique, la pollution par des cocktails de produits médicamenteux non traités par les STEP, le développement de la MRP (Maladie Rénale Proliférative), la prédation par les oiseaux piscivores, il y a en tout treize causes de disparition de la truite en Suisse. Il est clair selon lui que si nos cours d’eau étaient entièrement naturels plusieurs de ces hypothèses n’auraient pas lieu d’être.

 

Remise à l'eau des truitelles par Philippe Savary

Les techniques actuelles d’assainissement d’eaux usées n’arrivent pas à rendre l’eau usée propre à cent pour cent. Le progrès technique réalisé dans le domaine de la chimie analytique permet aux chimistes de déceler dans les eaux des particules qui jadis n’étaient pas repérables. Nombres de ces particules sont, à une forte concentration, dangereuses pour l’équilibre du milieu aquatique.
De nos jours, plusieurs scientifiques et ingénieurs au niveau suisse, voire mondial, se mettent au travail pour étudier en laboratoire des solutions et perspectives d’avenir dans le domaine de l’assainissement. L’EAWAG, initiales allemandes de "Institut fédéral de recherche pour l’aménagement, l’épuration et la protection des eaux", travaille depuis plusieurs années à la recherche de solutions qui permettront d’apporter des réponses aux problèmes que rencontrent aujourd’hui les stations d’épuration. Souvent, pour lutter contre un fléau, il nous suffit d’attaquer les problèmes à la base plutôt que d’intervenir au niveau des conséquences. L’EAWAG, dans ses recherches, privilégie la première approche.

 

Lors de grandes pluies, la Broye se charge d'alluvions


 

Pascal Mavinga a procédé à plusieurs entretiens dont nous allons tirer quelques extraits et d’abords celui de Philippe Vioget (à droite sur la photo et Pascal Mavinga à gauche), directeur du laboratoire du Service vaudois des eaux, sols et assainissement rencontré le 15 novembre 2005 à Epalinges.

Une partie du travail de votre service consiste à contrôler la qualité de l’eau des cours d’eau ; pouvez-vous nous dire comment cela se fait-il concrètement ?

Mon service joue surtout le rôle de conseiller vis-à-vis des collectivités et du public. Une grande partie des sorties que j’effectue est consacrée aux visites auprès des autorités communales. Mais des déplacements consacrés à faire des prélèvements d’échantillons sur tel ou tel site sont très rares. Ceci pour une raison simple : l’aménagement de mon temps de travail ne me permet pas de le faire. Â titre d’information, il y a un réseau de vingt-et-une rivières dans le canton que nous suivons régulièrement avec des prélèvements qui sont effectués par des échantillonneurs in situ cinquante-deux fois par année, sur un certain nombre de paramètres. D’autres prélèvements sont réalisés une fois par mois pour le contrôle chimique des eaux. Nous faisons aussi des prélèvements qui sont destinés à des analyses des pesticides, etc. Nous procédons également à des contrôles des eaux souterraines. Nous effectuons entre autres des contrôles biologiques des cours d’eau en prélevant des micro-organismes. Le but de ces analyses consiste à qualifier les cours d’eau en donnant des informations descriptives claires aux autorités. Ainsi, nous pourrons faire des cartes avec des indications descriptives des cours d’eau.

Où se trouvent principalement les cours d’eau pollués ?

Ils se trouvent surtout sur le plateau suisse alors que les propres apparaissent surtout dans les régions des Préalpes et Alpes. Nos analyses ne se limitent pas aux polluants majeurs habituels mais s’étendent également à d’autres familles de produits d’utilisation courante telles que pesticides, composés organiques volatils, hydrocarbures aromatiques polycycliques, métaux, etc. Ce cocktail de produits parvenant aux STEP n’est que partiellement ou pas du tout traité. Une fois le processus d’épuration terminé, ils se retrouvent dans les cours d’eau et créent différents problèmes qui nous préoccupent actuellement.

En cas de grandes pluies, les STEP ont-elles les capacités de traiter ce flux d’eau ?

Non, lors de fortes pluies, les eaux charriées par les réseaux sont partiellement déversées dans les cours d’eau ou les lacs. Le mélange de tous ces eaux souillées (l’eau des champs, des routes, et l’eau sortant des STEP) provoque des troubles au niveau de la flore et de la faune aquatique. Comme je vous l’ai dit, beaucoup de produits ne sont que partiellement ou pas du tout éliminés. Ils finissent par la suite dans le milieu environnemental.

En tant que responsable du laboratoire du Service des eaux, quel conseil donnez-vous aux pollueurs de l’eau et à la population toute entière ?

Je conseille de sortir de nos habitudes égoïstes qui sacrifient l’environnement situé autour de nous. Nous devons arrêter d’externaliser le problème mais devons opter pour des comportements responsables. Il y a un effort de société qu’il faut faire dans ce sens-là.

Forte mortalité de poissons suite à une pollution    

 

Les premières stations d’épuration en Suisse ont été construites dans les années cinquante et soixante ; pensez-vous qu’elles devraient toutes être rénovées comme les vieilles centrales nucléaires ?

Bien sûr, les travaux de réhabilitation ont déjà commencé dans bon nombre de stations. Les travaux de transformation se font en tenant compte des exigences légales d’aujourd’hui. Les communes doivent affecter de l’argent pour les éléments d’exploitation et de maintien de la valeur et de renouvellement des structures. Les communes doivent avoir un comportement de gestionnaires pour maintenir la valeur de leurs installations, faute de quoi elles risqueront de tomber en ruine.

Que pensez-vous du problème de l’interdiction des boues d’épuration ?

En principe, à partir de 2006, toutes les boues d’épuration devront être incinérées mais les cantons garderont encore une marge de manoeuvre pendant deux ans. Avec plus de deux cent mille tonnes de boues produites en Suisse chaque année, quarante mille tonnes étaient encore valorisées en agriculture en 2002.

Comment le canton pourra-t-il éliminer le surplus des boues d’épuration ?

Le manque de capacité d’incinérer les boues qui se faisait sentir dans les années 2000 sera bientôt compensé. La mise en service d’une installation à Posieux et la mise en route d’un autre four de SATOM régleront ce manquement. La STEP de Lausanne est en train de refaire une chaudière et d’adapter son four. Le canton de Vaud avec les dix-huit mille tonnes de matières sèches qu’il produit annuellement a encore trois mille tonnes qui sont incinérées ailleurs. Une fois les travaux de réfection terminés dans la STEP de Lausanne, ces boues pourront être éliminés sur place.

 

Entretien avec le Dr Thomas Wahli, spécialiste piscicole du Centre pour la médecine des poissons et des animaux sauvages de l ?université de Berne, le 7 novembre 2005 :

Pouvez-vous nous décrire en quoi consiste le travail de votre laboratoire ?

Notre laboratoire a donc pour mission de diagnostiquer les maladies chez les poissons qui nous sont envoyés par le public et par les fonctionnaires chargés de la protection de l’environnement, selon les directives légales.

Les hormones féminines sont-elles à l’origine de la maladie MRP touchant les poissons ?

Je pense que les hormones anticonceptionnelles ne sont pas directement responsables de la présence de la MRP dans nos cours d’eau. La seule évidence que nous avons trouvée, c’est que dans les zones piscicoles où il y avait des traces d’hormones, les poissons mâles étaient porteurs d’une protéine que seuls les poissons femelles pouvaient porter en quantité détectable. Dans une situation normale, les poissons mâles ne produisent pas des protéines de ce genre. Donc, nous pouvons certainement nous poser des questions quant à cette modification. Les scientifiques sont en train de chercher les causes et les éventuelles conséquences sur la survie de l’espèce et aussi sur la santé humaine. J’insiste sur le fait que la MRP n’est pas liée à la présence d’hormones féminines dans l’eau. Je pense qu’elle est surtout liée à la hausse de la température des cours d’eau. Plus l’eau est chaude, plus il y a de chance d’y trouver une mortalité par la MRP. D’ailleurs, nous pouvons remarquer que dans les zones de montagne, où la température de l’eau est généralement froide, cette maladie est inexistante.

La MRP a-t-elle des incidences sur la santé humaine ?

Les recherches entreprises jusqu’à aujourd’hui ne démontrent aucun effet sur la santé humaine. Les membres du phylum myxozoa, auxquels appartient aussi le parasite responsable de la MRP, ne peuvent se propager que chez les vertébrés inférieurs tels que poissons, amphibiens, etc. Une vie parasitaire auprès des vertébrés supérieurs ou mammifères n’est pas décrite.

À votre avis, existe-t-il d’autres sources de pollution affectant la santé des poissons ?

Je pense que tous les produits utilisés par l’homme peuvent être dangereux pour la santé des poissons. Beaucoup de voix s’élèvent aujourd’hui contre le rejet abusif et non contrôlé de ces produits dans l’eau, puisque nous ne connaissons pas exactement les effets qu’ils peuvent avoir sur les poissons et le milieu aquatique en général. Les produits de ménage, les produits de soins corporels, les produits phytosanitaires, tous peuvent avoir des incidences graves pour l’environnement.

Quelles mesures faut-il prendre pour lutter contre ce fléau ?

Il nous faut prendre des mesures à la source. Cela veut dire une utilisation rationnelle des produits et surtout éviter de les jeter directement dans les cours d’eau. À la place de jeter les produits non utilisés aux toilettes, il serait préférable de les ramener soit à la pharmacie, soit à la déchetterie, pour une élimination respectueuse de l’environnement. Ce sont de petites choses, mais les ruisseaux font les grandes rivières.

Barrage à hydrocarbure près de Moudon, mars 2005

Que pensez-vous de l’utilisation généralisée des produits phytosanitaires par l’agriculture ?

Si l’agriculture n’utilisait pas ces composants, je crains qu’il y ait risque qu’elle se retrouve avec des récoltes amoindries ou quasiment nulles. Je préconise une utilisation de ces produits mais d’une manière équilibrée. Un agriculteur qui n’utiliserait plus de produits phytosanitaires risque de voir sa production abaissée au point qu’il ne puisse plus survivre économiquement.

La production biologique est-elle compatible avec l’environnement ?

Les nutriments soi-disant bios peuvent aussi avoir des effets néfastes sur l’environnement. Le fumier et le purin, qui sont à l’origine bio, sont dangereux pour les cours d’eau. Je tire une sonnette d’alarme quant à l’utilisation abusive de l’expression bio, à l’exemple des produits utilisés pour protéger la laine contre les parasites. Ces substances sont extraites des plantes qui sont à mon avis plus toxiques que certains produits chimiques. Elles sont soit disant bio, parce que provenant de la nature, mais d’une toxicité très élevée. J’insiste sur le fait qu’on usurpe parfois le terme, car parler d’une agriculture bio veut dire une agriculture qui utilise des fertilisants bio. Or il a été prouvé à maintes reprises que ces fertilisants comportent des éléments qui peuvent être incompatibles avec la nature. Le fumier et le purin ont de fortes teneurs en nitrates et en phosphates. Les nitrates comme les phosphates produisent des effets eutrophisants sur l’eau et entraînent des dangers pour les biotopes et la biocénose.

Pensez-vous que la loi actuelle protège-t-elle suffisamment le milieu aquatique ?

La loi est bonne, elle contient de bons principes mais c’est son application qui pose problèmes. Je pense qu’une meilleure application de la loi aurait des résultats plus significatifs que ce que nous voyons aujourd’hui. Je constate que la loi actuelle n’est pas appliquée à la lettre. C’est bien d’avoir un instrument juridique, mais si son application n’est pas strictement observée, il ne sert à rien.

 

Un dernier entretien a eu lieu à Moudon le 12 décembre 2005 avec Alexandre Schwager, directeur des écoles d’agriculture vaudoises de Grange-Verney et de Marcelin :

Dans vos écoles, qui est chargé de la matière protection de l’environnement ?

La protection de l’environnement fait partie de toutes les branches techniques. Elle est enseignée par les différents professeurs de production végétale et animale ; en plus, il y a un cours d’écologie donné par M. Cossy du Service de Prévention des Accidents dans l’Agriculture (SPAA).

Comment vos élèves ressentent-ils les contraintes liées à la protection des eaux ?

Aujourd’hui, tous les élèves sont conscients du rôle donné à l’agriculture par l’article 104 de la Constitution suisse dans le domaine de l’environnement et cela passe très bien. Les paiements directs liés aux mesures PER (Prescriptions écologiques requises) représentent 90% du revenu net de l’agriculture suisse. Les mesures étant contrôlées, la quasi-totalité des fermes suisses remplissent donc ces prescriptions.

Actuellement nous savons qu’une partie des micro-polluants qu’on trouve dans les cours d’eau sont d’origine agricole, qu’en dites-vous ?

Nous ne renions pas que l’agriculteur a une part de responsabilité sur la pollution des cours d’eau mais j’attire votre attention sur le fait que nous ne sommes de loin pas les seuls à polluer. Il est très facile d’accuser les agriculteurs mais tout un chacun porte une part de responsabilité. Pour prévenir ce genre de pollution un certain nombre de mesures sont mises en place. À ce titre, je citerai notamment le contrôle périodique des pompes à traiter auquel les agriculteurs sont soumis par obligation. Ce contrôle est effectué par l’Association suisse pour l’équipement technique de l’agriculture (ASETA) qui a son antenne romande à Grange-Verney. D’autre part, je me plais à relever le rôle de pionnier que joue notre école dans le traitement des bouillies (fonds de cuves d’appareils de traitements) où nous sommes en train de tester un prototype de filtre biologique.

Que faites-vous pour sensibiliser les agriculteurs et les étudiants à cette problématique ?

Pour sensibiliser les agriculteurs, et surtout nos étudiants, nous organisons des journées de formation continue, ici dans notre école de Grange-Verney.

Lors de ces rencontres, nous montrons et expliquons à nos invités les nouvelles techniques et moyens de traitement de plantes qui respectent l’environnement. Le sujet principal de la journée portes ouvertes du 7 juin 2005 était la protection phytosanitaire. Nous avons développé des thèmes comme les techniques de traitement et évacuation des fonds des pompes à traiter, etc.

Est-ce que vous intervenez aussi en cas d’alerte ou d’urgence ?

Oui, notamment s’il s’agit du contrôle du développement des parasites végétaux. L’alerte peut, par exemple, être donnée lorsque la population de ces parasites devient dangereuse pour la culture ; l’idée est de ne traiter que si nécessaire. Ici à Grange-Verney c’est la station cantonale de protection des plantes qui gère ce travail. D’autre part, cette station a comme objectif de renseigner et conseiller les agriculteurs quant aux nouvelles techniques et méthodes de protection des plantes. Par ce biais nous donnons également des conseils sur l’utilisation et les dangers des produits phytosanitaires. Pour informer, voire alerter les agriculteurs en cas d’urgence, nous avons installé un numéro de téléphone permanent et nous diffusons des bulletins d’informations réguliers.

En tant que directeur d’une école d’agriculture, quel conseil donneriez-vous aux agriculteurs qui ne tiennent pas compte de la protection de l’environnement dans l’exercice de leur travail ?

Actuellement plus de 97% des agriculteurs exploitent leur domaine selon des méthodes de production respectant l’environnement. En effet, pour pouvoir bénéficier des paiements directs les paysans doivent satisfaire aux règles des PER (prescriptions écologiques requises). Le non respect de celles-ci serait un auto-goal de leur part. Un paysan qui se respecte n’a aucune envie de saboter son outil de production, la terre. Il fera tout pour préserver au mieux cet outil de production à sa disposition. Il est bien entendu que les techniques changent et que les agriculteurs n’ayant pas les connaissances nouvelles peuvent venir les parfaire lors de nos journées de formation continue.
L’agriculture, comme tous les autres secteurs économiques, a connu une intensification de la production, portant parfois atteinte à l’environnement. Une prise de conscience générale envers la protection de l’environnement fait évoluer les choses. La politique agricole a dû s’adapter et introduire de nouveaux buts dévolus à la conservation des ressources naturelles et à l’entretien du paysage rural. Cette évolution n’est finalement qu’une aubaine pour l’agriculteur qui a intérêt à tout mettre en œuvre pour protéger sa base de production qui est la terre et l’eau.

Les poissons ont besoin d'une eau propre


 

Dans la conclusion de Pascal Mavinga qui clôt son dossier dénonce entre autre :

La rivière Broye, cours d’eau sur lequel j’ai focalisé mes recherches, souffre des maux engendrés par la vie moderne. Ces maux sont multiples. Ils vont du faible débit du cours d’eau à la présence de maladies endémiques, en passant par la faible quantité de nourritures et de caches à poissons qui existent aujourd’hui.
Malgré les mécanismes de protection mis en place par la loi, la qualité des cours d’eau ne cesse pas de se dégrader. La présence de nouveaux produits utilisés dans notre vie quotidienne crée des problèmes nouveaux et poussent les décideurs politiques à prendre des mesures qui répondront au mieux à cette problématique. L’utilisation croissante de produits phytosanitaires et d’engrais par l’agriculture ne fait qu’aggraver la situation. L’industrie chimique, elle non plus, n’arrête pas d’inventer et de proposer aux agriculteurs des nouveaux produits. Chacun essaie de défendre ses intérêts. La Broye souffrant des maux de notre civilisation actuelle, comme nous les avons répertoriés, c’est à l’autorité politique qu’appartient le pouvoir de changer les choses. Va-t-elle le faire ? La réponse à cette question viendra des hommes et des femmes qui sont aux commandes de l’appareil étatique.

STEP de La Verna, élimination des sables et petits déchets


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64 pages A4, photos couleurs

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Décembre 2005
 


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