PASCAL MAVINGA
Protection légale de l'eau :
cas concrets de pollution de la Broye
Venant
d’un pays qui n’est pourtant pas un exemple en matière d’anti-pollution,
Pascal Mavinga a tout de même été très surpris de la mauvaise qualité
des eaux de la Broye et des nombreuses maladies dont souffrent ses
résidants. Voici quelques-unes de ses observations et interrogations
insérées dans son rapport. D’abords, en tant que licencié en droit,
Pascal Mavinga s’est consacré à la loi sur la protection de l’eau et à
ses applications.
Soucieux de remédier à la
pollution constatée durant les années quatre-vingts, les autorités ont
réagi d’une manière significative en mettant en place la nouvelle loi
sur la protection des eaux de 1991 qui apporta des nouveautés. L’une de
ces nouveautés était l’introduction obligatoire des centrales
d’épuration des eaux usées au niveau des communes. Désormais il était
interdit de déverser directement de l’eau usée dans les cours d’eau.
Toute eau usée devait passer par un processus d’épuration. La
Confédération encouragea les cantons et les communes à cette nouvelle
pratique par l’octroi des subsides destinés à financer la construction
des installations (stations d’épuration des eaux usées). L’ordonnance
fédérale sur la protection des eaux prévoit dans son article 29 et
suivants des zones et périmètres de protection des eaux souterraines. La
loi veut faire de la prévention au lieu d’intervenir après une
catastrophe. Elle impose une protection tant des eaux souterraines
exploitables, des eaux superficielles, que des eaux qui alimentent des
captages d’intérêt public, etc. Dans ce périmètre, il est interdit de
pratiquer certaines activités pour ne pas souiller l’eau nécessaire à la
consommation et à la vie.
L’approvisionnement en eau potable de la Suisse est fait à 83% à travers
les eaux de source et 17% à travers les lacs. Ce sont surtout les
grandes villes qui s’alimentent en eau des lacs. L’eau du lac subit un
traitement simplifié en trois étapes : floculation, fertilisation et
désinfection (par chloration). En général, l’eau qui est pompée dans le
lac subit un traitement beaucoup plus lourd car elle est de nettement
moins bonne qualité que celle des eaux souterraines, qui elles ne
subissent pratiquement pas de traitement avant d’être consommées.
L’eau souterraine qui est une source importante de l’eau potable nous
vient directement des précipitations. En traversant le sol, l’eau peut
entrer en contact avec des impuretés si le sol est souillé. Souvent,
c’est l’agriculture qui est responsable de pollutions constatées. C’est
pourquoi la loi essaie par le truchement de certaines règles de protéger
le sol contre les éléments nuisibles. L’agriculture est soumise au
respect de certaines de ces dispositions. L’Ordonnance sur la protection
des eaux impose aux éleveurs d’animaux de rentes un certain nombre
d’exigences à suivre pour la conformité de la loi. L’agriculture pollue
d’une manière diffuse les eaux superficielles.
Epandage de lisier sur un champ près de la Broye
Pour avoir des rendements
plus élevés, l’agriculture utilise des produits lui permettant
d’atteindre facilement cet objectif. Elle fait usage de pesticides et de
fongicides pour lutter contre l’agression des parasites sur les plantes.
Elle utilise des engrais chimiques pour stimuler la croissance des
végétaux. L’utilisation de ces produits occasionne graduellement des
atteintes au sol. Ils finissent en ruissellement dans les cours d’eau
environnants. Deux produits utilisés dans l’agriculture constituent un
problème pour l’eau, à savoir : les nitrates et le phosphate. La
Confédération encourage les paysans à utiliser de moins en moins ces
produits par une campagne de sensibilisation lancée par l’OFEFP. Pour
qu’une eau soit autorisée à la consommation, sa teneur en pesticides ne
doit pas dépasser 0,5mg/l au total. La Confédération, en adoptant la loi
sur la protection des eaux de 1971, avait déjà institué les bribes de la
politique d’envergure qu’elle va lancer dans la nouvelle loi de 1991.
Cette dernière introduit une nouveauté, à savoir l’obligation pour les
communes de construire des stations de traitement d’eaux usées, comme
nous l’avons vu. La plupart des communes se mirent au travail afin de
satisfaire aux nouvelles exigences imposées par la loi. C’est ainsi
qu’aujourd’hui plus de 95% des communes suisses traitent leurs eaux
usées. Le résultat de cette nouvelle politique s’est fait sentir au
cours des années qui suivirent sa mise en application. La qualité de
l’eau des cours d’eau s’est améliorée, ainsi que les biotopes et la
biocénose.
Il est clair que les stations traitent les eaux usées mais elles
n’arrivent pas à les rendre propres à cent pour cent. Une fois que le
processus de traitement est terminé, l’eau rejetée dans les cours d’eau
contient encore certaines substances qui nous causent des inquiétudes.
Lors de ma visite sur le terrain, en discutant avec le responsable d’une
station d’épuration, il m’a fait part de certaines informations peu
réjouissantes. Il est évident que l’eau que déversent les stations
d’épuration contient encore des substances qui sont à l’origine des
maladies ou des malformations constatées sur la population des poissons.
Le problème est bien connu mais le résoudre demanderait la mise à
disposition de gros moyens. L’état actuel des finances publiques ne
permet pas aux collectivités publiques de s’engager dans ce sens. Un
autre fléau est à signaler, celui des boues d’épuration. Comme nous le
savons, les eaux usées, une fois qu’elles ont terminé le processus de
traitement, engendrent des quantités énormes de déchets, notamment les
sables, différents éléments solides, et les boues d’épuration. Les boues
d’épuration, jusqu’à peu, étaient utilisées comme fertilisants dans
l’agriculture. Malgré le fait que les boues contiennent des substances
nutritives importantes pour les plantes (azote, phosphore), elles
transportent également dans le sol des métaux lourds, des agents
pathogènes et des résidus organiques chimiques tels que les médicaments,
les hormones naturelles et artificielles ou les parfums. Après quelques
années de cette pratique, plusieurs analyses ont démontré que ces boues
contenaient des substances pouvant contaminer les plantes, les animaux
et les humains. L’Etat a réagi en interdisant l’utilisation des boues
comme engrais dans l’agriculture. Les STEP se retrouvent maintenant
devant un problème auquel elles n’ont jamais songé. Il leur faut de
nouveaux moyens pour organiser l’acheminement des boues dans des sites
spéciaux où il est procédé à leur élimination par le feu.
La STEP de La Verna
Pour que l’eau soit une
ressource utilement recommandable, elle doit avoir certaines propriétés.
L’eau, comme milieu naturel de vie pour les poissons, contient des
propriétés chimico-physiques propices à accueillir la vie animale et
végétale en son sein. Elle doit pour cela ne pas contenir des métaux
lourds et certains polluants chimiques tels que nitrates, phosphates,
azotes, hormones naturelles et artificielles, etc. Du moment que ces
substances sont en augmentation dans un cours d’eau, ce dernier
représente un danger pour les êtres vivants. Aujourd’hui, nombres de nos
cours d’eau sont devenus des milieux de vie dangereux pour leurs
habitants. Une intervention rigoureuse serait nécessaire pour améliorer
la qualité de ces milieux naturels.
Bien avant l’introduction de l’interdiction du phosphate dans la
lessive, les eaux de nos cours d’eau regorgeaient de nourritures pour
ses habitants. Le phosphate, comme nous l’avons soulevé plus haut, a des
valeurs fertilisantes très élevées et contribuait ainsi à l’abondance
des aliments dans nos lacs. Son interdiction a été suivie par une
diminution remarquable de la quantité de nourriture, une conséquence
négative pour les populations piscicoles. Quand elle manque dans un
tronçon d’un cours d’eau, les poissons présents dans le secteur se
disputent le peu de nourriture qu’il y a. Les plus forts en accaparent
la grande partie, entraînant ainsi le déplacement des plus faibles ou
carrément leur mort. Actuellement les poissons ont un milieu de vie plus
ou moins sain, mais ils ont perdu en taille par manque d’abondance de
nourriture. On voit que l’être humain, en voulant éliminer un problème,
en crée un autre. De nos jours, il est extrêmement rare de faire des
prises de perches, de truites et d’ombres de taille de celles qui
existaient avant les années quatre-vingt. En outre, la présence des
produits chimiques provenant de l’agriculture, des industries, des
stations d’épuration, des pluies acides, occasionne des lésions plus ou
moins graves sur la santé des poissons.
D’après les entretiens que j’ai eus avec Philippe Savary, garde-pêche de
la circonscription 8, qui englobe une partie du district de Payerne et
ceux de Moudon et Oron-la-Ville, la grande partie des cas de pollution
dont il s’est occupé est causée par l’agriculture. Ces cas de pollution
sont le résultat soit d’une négligence lors de manipulation des produits
(engrais naturels ou chimiques), soit d’accidents survenus dans les
installations agricoles. M. Savary, en cas de pollution provenant d’une
ferme, essaie toujours de sensibiliser l’exploitant agricole sur les
dangers de pollution qui existent dans l’exercice de son métier. Il est
indéniable que la Broye, étant une région essentiellement paysanne,
connaît souvent des pollutions d’origine agricole. Elles proviennent des
fermes pratiquant l’élevage des gros et petit bétails. Elles proviennent
également des laiteries-fromageries, nombreuses dans la région. Il y a
également quelques pollutions dues aux rejets des eaux provenant des
stations d’épuration de la région. Les pollutions industrielles sont
quant à elles insignifiantes et rares. Lors de ses interventions, M.
Savary enquête. Il cherche surtout à trouver l’origine et la cause de la
pollution. Il doit scrupuleusement déterminer s’il s’agit d’une
pollution intentionnelle ou non. À la fin de l’enquête, il adresse ou
une lettre d’avertissement au pollueur ou une dénonciation au juge
d’instruction. Le plus souvent, le juge ne statue pas mais renvoie
l’affaire auprès du préfet pour décision.
M. Savary, qui est très proche de la nature, m’a exprimé ses soucis
quant à la perte de qualité des cours d’eau en Suisse. Il s’inquiète du
fait que la santé des poissons laisse à désirer. D’après lui, les causes
remontent au passé. En effet, il pense que les travaux de corrections
des cours d’eau ont détruit le milieu naturel favorable à la vie des
poissons. Comme le montre l’étude Fischnetz, le réchauffement
atmosphérique, la pollution par des cocktails de produits médicamenteux
non traités par les STEP, le développement de la MRP (Maladie Rénale
Proliférative), la prédation par les oiseaux piscivores, il y a en tout
treize causes de disparition de la truite en Suisse. Il est clair selon
lui que si nos cours d’eau étaient entièrement naturels plusieurs de ces
hypothèses n’auraient pas lieu d’être.
Remise à l'eau des truitelles par Philippe Savary
Les techniques actuelles
d’assainissement d’eaux usées n’arrivent pas à rendre l’eau usée propre
à cent pour cent. Le progrès technique réalisé dans le domaine de la
chimie analytique permet aux chimistes de déceler dans les eaux des
particules qui jadis n’étaient pas repérables. Nombres de ces particules
sont, à une forte concentration, dangereuses pour l’équilibre du milieu
aquatique.
De nos jours, plusieurs scientifiques et ingénieurs au niveau suisse,
voire mondial, se mettent au travail pour étudier en laboratoire des
solutions et perspectives d’avenir dans le domaine de l’assainissement.
L’EAWAG, initiales allemandes de "Institut fédéral de recherche pour
l’aménagement, l’épuration et la protection des eaux", travaille depuis
plusieurs années à la recherche de solutions qui permettront d’apporter
des réponses aux problèmes que rencontrent aujourd’hui les stations
d’épuration. Souvent, pour lutter contre un fléau, il nous suffit
d’attaquer les problèmes à la base plutôt que d’intervenir au niveau des
conséquences. L’EAWAG, dans ses recherches, privilégie la première
approche.
Lors de grandes pluies, la Broye se charge d'alluvions
Pascal
Mavinga a procédé à plusieurs entretiens dont nous allons tirer quelques
extraits et d’abords celui de Philippe Vioget (à droite sur la photo et
Pascal Mavinga à gauche), directeur du laboratoire du Service vaudois
des eaux, sols et assainissement rencontré le 15 novembre 2005 à
Epalinges.
Une
partie du travail de votre service consiste à contrôler la qualité de
l’eau des cours d’eau ; pouvez-vous nous dire comment cela se fait-il
concrètement ?
Mon service joue surtout le
rôle de
conseiller vis-à-vis des collectivités et du public. Une grande partie
des sorties que j’effectue est consacrée aux visites auprès des
autorités communales. Mais des déplacements consacrés à faire des
prélèvements d’échantillons sur tel ou tel site sont très rares. Ceci
pour une raison simple : l’aménagement de mon temps de travail ne me
permet pas de le faire. Â titre d’information, il y a un réseau de
vingt-et-une rivières dans le canton que nous suivons régulièrement avec
des prélèvements qui sont effectués par des échantillonneurs in situ
cinquante-deux fois par année, sur un certain nombre de paramètres.
D’autres prélèvements sont réalisés une fois par mois pour le contrôle
chimique des eaux. Nous faisons aussi des prélèvements qui sont destinés
à des analyses des pesticides, etc. Nous procédons également à des
contrôles des eaux souterraines. Nous effectuons entre autres des
contrôles biologiques des cours d’eau en prélevant des micro-organismes.
Le but de ces analyses consiste à qualifier les cours d’eau en donnant
des informations descriptives claires aux autorités. Ainsi, nous
pourrons faire des cartes avec des indications descriptives des cours
d’eau.
Où se trouvent principalement les cours d’eau pollués ?
Ils se trouvent surtout sur
le plateau suisse alors que les propres apparaissent surtout dans les
régions des Préalpes et Alpes. Nos analyses ne se limitent pas aux
polluants majeurs habituels mais s’étendent également à d’autres
familles de produits d’utilisation courante telles que pesticides,
composés organiques volatils, hydrocarbures aromatiques polycycliques,
métaux, etc. Ce cocktail de produits parvenant aux STEP n’est que
partiellement ou pas du tout traité. Une fois le processus d’épuration
terminé, ils se retrouvent dans les cours d’eau et créent différents
problèmes qui nous préoccupent actuellement.
En cas de grandes pluies, les STEP ont-elles les capacités de traiter ce
flux d’eau ?
Non, lors de fortes pluies,
les eaux charriées par les réseaux sont partiellement déversées dans les
cours d’eau ou les lacs. Le mélange de tous ces eaux souillées (l’eau
des champs, des routes, et l’eau sortant des STEP) provoque des troubles
au niveau de la flore et de la faune aquatique. Comme je vous l’ai dit,
beaucoup de produits ne sont que partiellement ou pas du tout éliminés.
Ils finissent par la suite dans le milieu environnemental.
En tant que responsable du laboratoire du Service des eaux, quel conseil
donnez-vous aux pollueurs de l’eau et à la population toute entière ?
Je conseille de sortir de
nos habitudes égoïstes qui sacrifient l’environnement situé autour de
nous. Nous devons arrêter d’externaliser le problème mais devons opter
pour des comportements responsables. Il y a un effort de société qu’il
faut faire dans ce sens-là.
Forte mortalité de poissons suite à une pollution
Les premières stations d’épuration en Suisse ont été construites dans
les années cinquante et soixante ; pensez-vous qu’elles devraient toutes
être rénovées comme les vieilles centrales nucléaires ?
Bien sûr, les travaux de
réhabilitation ont déjà commencé dans bon nombre de stations. Les
travaux de transformation se font en tenant compte des exigences légales
d’aujourd’hui. Les communes doivent affecter de l’argent pour les
éléments d’exploitation et de maintien de la valeur et de renouvellement
des structures. Les communes doivent avoir un comportement de
gestionnaires pour maintenir la valeur de leurs installations, faute de
quoi elles risqueront de tomber en ruine.
Que pensez-vous du problème de l’interdiction des boues d’épuration ?
En principe, à partir de
2006, toutes les boues d’épuration devront être incinérées mais les
cantons garderont encore une marge de manoeuvre pendant deux ans. Avec
plus de deux cent mille tonnes de boues produites en Suisse chaque
année, quarante mille tonnes étaient encore valorisées en agriculture en
2002.
Comment le canton pourra-t-il éliminer le surplus des boues
d’épuration ?
Le manque de capacité
d’incinérer les boues qui se faisait sentir dans les années 2000 sera
bientôt compensé. La mise en service d’une installation à Posieux et la
mise en route d’un autre four de SATOM régleront ce manquement. La STEP
de Lausanne est en train de refaire une chaudière et d’adapter son four.
Le canton de Vaud avec les dix-huit mille tonnes de matières sèches
qu’il produit annuellement a encore trois mille tonnes qui sont
incinérées ailleurs. Une fois les travaux de réfection terminés dans la
STEP de Lausanne, ces boues pourront être éliminés sur place.
Entretien
avec le Dr Thomas Wahli, spécialiste piscicole du Centre pour la
médecine des poissons et des animaux sauvages de l ?université de Berne,
le 7 novembre 2005 :
Pouvez-vous nous décrire en quoi consiste le travail de votre
laboratoire ?
Notre laboratoire a donc
pour mission de diagnostiquer les maladies chez les poissons qui nous
sont envoyés par le public et par les fonctionnaires chargés de la
protection de l’environnement, selon les directives légales.
Les hormones féminines sont-elles à l’origine de la maladie MRP touchant
les poissons ?
Je pense que les hormones
anticonceptionnelles ne sont pas directement responsables de la présence
de la MRP dans nos cours d’eau. La seule évidence que nous avons
trouvée, c’est que dans les zones piscicoles où il y avait des traces
d’hormones, les poissons mâles étaient porteurs d’une protéine que seuls
les poissons femelles pouvaient porter en quantité détectable. Dans une
situation normale, les poissons mâles ne produisent pas des protéines de
ce genre. Donc, nous pouvons certainement nous poser des questions quant
à cette modification. Les scientifiques sont en train de chercher les
causes et les éventuelles conséquences sur la survie de l’espèce et
aussi sur la santé humaine. J’insiste sur le fait que la MRP n’est pas
liée à la présence d’hormones féminines dans l’eau. Je pense qu’elle est
surtout liée à la hausse de la température des cours d’eau. Plus l’eau
est chaude, plus il y a de chance d’y trouver une mortalité par la MRP.
D’ailleurs, nous pouvons remarquer que dans les zones de montagne, où la
température de l’eau est généralement froide, cette maladie est
inexistante.
La MRP a-t-elle des
incidences sur la santé humaine ?
Les recherches entreprises
jusqu’à aujourd’hui ne démontrent aucun effet sur la santé humaine. Les
membres du phylum myxozoa, auxquels appartient aussi le parasite
responsable de la MRP, ne peuvent se propager que chez les vertébrés
inférieurs tels que poissons, amphibiens, etc. Une vie parasitaire
auprès des vertébrés supérieurs ou mammifères n’est pas décrite.
À votre avis, existe-t-il d’autres sources de pollution affectant la
santé des poissons ?
Je pense que tous les
produits utilisés par l’homme peuvent être dangereux pour la santé des
poissons. Beaucoup de voix s’élèvent aujourd’hui contre le rejet abusif
et non contrôlé de ces produits dans l’eau, puisque nous ne connaissons
pas exactement les effets qu’ils peuvent avoir sur les poissons et le
milieu aquatique en général. Les produits de ménage, les produits de
soins corporels, les produits phytosanitaires, tous peuvent avoir des
incidences graves pour l’environnement.
Quelles mesures faut-il
prendre pour lutter contre ce fléau ?
Il nous faut prendre des
mesures à la source. Cela veut dire une utilisation rationnelle des
produits et surtout éviter de les jeter directement dans les cours
d’eau. À la place de jeter les produits non utilisés aux toilettes, il
serait préférable de les ramener soit à la pharmacie, soit à la
déchetterie, pour une élimination respectueuse de l’environnement. Ce
sont de petites choses, mais les ruisseaux font les grandes rivières.
Barrage à hydrocarbure près de Moudon, mars 2005
Que pensez-vous de l’utilisation généralisée des produits
phytosanitaires par l’agriculture ?
Si l’agriculture n’utilisait
pas ces composants, je crains qu’il y ait risque qu’elle se retrouve
avec des récoltes amoindries ou quasiment nulles. Je préconise une
utilisation de ces produits mais d’une manière équilibrée. Un
agriculteur qui n’utiliserait plus de produits phytosanitaires risque de
voir sa production abaissée au point qu’il ne puisse plus survivre
économiquement.
La production biologique est-elle compatible avec l’environnement ?
Les nutriments soi-disant
bios peuvent aussi avoir des effets néfastes sur l’environnement. Le
fumier et le purin, qui sont à l’origine bio, sont dangereux pour les
cours d’eau. Je tire une sonnette d’alarme quant à l’utilisation abusive
de l’expression bio, à l’exemple des produits utilisés pour protéger la
laine contre les parasites. Ces substances sont extraites des plantes
qui sont à mon avis plus toxiques que certains produits chimiques. Elles
sont soit disant bio, parce que provenant de la nature, mais d’une
toxicité très élevée. J’insiste sur le fait qu’on usurpe parfois le
terme, car parler d’une agriculture bio veut dire une agriculture qui
utilise des fertilisants bio. Or il a été prouvé à maintes reprises que
ces fertilisants comportent des éléments qui peuvent être incompatibles
avec la nature. Le fumier et le purin ont de fortes teneurs en nitrates
et en phosphates. Les nitrates comme les phosphates produisent des
effets eutrophisants sur l’eau et entraînent des dangers pour les
biotopes et la biocénose.
Pensez-vous que la loi
actuelle protège-t-elle suffisamment le milieu aquatique ?
La loi est bonne, elle
contient de bons principes mais c’est son application qui pose
problèmes. Je pense qu’une meilleure application de la loi aurait des
résultats plus significatifs que ce que nous voyons aujourd’hui. Je
constate que la loi actuelle n’est pas appliquée à la lettre. C’est bien
d’avoir un instrument juridique, mais si son application n’est pas
strictement observée, il ne sert à rien.
Un
dernier entretien a eu lieu à Moudon le 12 décembre 2005 avec Alexandre
Schwager, directeur des écoles d’agriculture vaudoises de Grange-Verney
et de Marcelin :
Dans vos écoles, qui est
chargé de la matière protection de l’environnement ?
La protection de
l’environnement fait partie de toutes les branches techniques. Elle est
enseignée par les différents professeurs de production végétale et
animale ; en plus, il y a un cours d’écologie donné par M. Cossy du
Service de Prévention des Accidents dans l’Agriculture (SPAA).
Comment vos élèves ressentent-ils les contraintes liées à la protection
des eaux ?
Aujourd’hui, tous les élèves
sont conscients du rôle donné à l’agriculture par l’article 104 de la
Constitution suisse dans le domaine de l’environnement et cela passe
très bien. Les paiements directs liés aux mesures PER (Prescriptions
écologiques requises) représentent 90% du revenu net de l’agriculture
suisse. Les mesures étant contrôlées, la quasi-totalité des fermes
suisses remplissent donc ces prescriptions.
Actuellement nous savons
qu’une partie des micro-polluants qu’on trouve dans les cours d’eau sont
d’origine agricole, qu’en dites-vous ?
Nous ne renions pas que
l’agriculteur a une part de responsabilité sur la pollution des cours
d’eau mais j’attire votre attention sur le fait que nous ne sommes de
loin pas les seuls à polluer. Il est très facile d’accuser les
agriculteurs mais tout un chacun porte une part de responsabilité. Pour
prévenir ce genre de pollution un certain nombre de mesures sont mises
en place. À ce titre, je citerai notamment le contrôle périodique des
pompes à traiter auquel les agriculteurs sont soumis par obligation. Ce
contrôle est effectué par l’Association suisse pour l’équipement
technique de l’agriculture (ASETA) qui a son antenne romande à
Grange-Verney. D’autre part, je me plais à relever le rôle de pionnier
que joue notre école dans le traitement des bouillies (fonds de cuves
d’appareils de traitements) où nous sommes en train de tester un
prototype de filtre biologique.
Que faites-vous pour sensibiliser les agriculteurs et les étudiants à
cette problématique ?
Pour sensibiliser les
agriculteurs, et surtout nos étudiants, nous organisons des journées de
formation continue, ici dans notre école de Grange-Verney.
Lors de ces rencontres, nous
montrons et expliquons à nos invités les nouvelles techniques et moyens
de traitement de plantes qui respectent l’environnement. Le sujet
principal de la journée portes ouvertes du 7 juin 2005 était la
protection phytosanitaire. Nous avons développé des thèmes comme les
techniques de traitement et évacuation des fonds des pompes à traiter,
etc.
Est-ce que vous intervenez aussi en cas d’alerte ou d’urgence ?
Oui, notamment s’il s’agit
du contrôle du développement des parasites végétaux. L’alerte peut, par
exemple, être donnée lorsque la population de ces parasites devient
dangereuse pour la culture ; l’idée est de ne traiter que si nécessaire.
Ici à Grange-Verney c’est la station cantonale de protection des plantes
qui gère ce travail. D’autre part, cette station a comme objectif de
renseigner et conseiller les agriculteurs quant aux nouvelles techniques
et méthodes de protection des plantes. Par ce biais nous donnons
également des conseils sur l’utilisation et les dangers des produits
phytosanitaires. Pour informer, voire alerter les agriculteurs en cas
d’urgence, nous avons installé un numéro de téléphone permanent et nous
diffusons des bulletins d’informations réguliers.
En tant que directeur d’une
école d’agriculture, quel conseil donneriez-vous aux agriculteurs qui ne
tiennent pas compte de la protection de l’environnement dans l’exercice
de leur travail ?
Actuellement plus de 97% des
agriculteurs exploitent leur domaine selon des méthodes de production
respectant l’environnement. En effet, pour pouvoir bénéficier des
paiements directs les paysans doivent satisfaire aux règles des PER
(prescriptions écologiques requises). Le non respect de celles-ci serait
un auto-goal de leur part. Un paysan qui se respecte n’a aucune envie de
saboter son outil de production, la terre. Il fera tout pour préserver
au mieux cet outil de production à sa disposition. Il est bien entendu
que les techniques changent et que les agriculteurs n’ayant pas les
connaissances nouvelles peuvent venir les parfaire lors de nos journées
de formation continue.
L’agriculture, comme tous les autres secteurs économiques, a connu une
intensification de la production, portant parfois atteinte à
l’environnement. Une prise de conscience générale envers la protection
de l’environnement fait évoluer les choses. La politique agricole a dû
s’adapter et introduire de nouveaux buts dévolus à la conservation des
ressources naturelles et à l’entretien du paysage rural. Cette évolution
n’est finalement qu’une aubaine pour l’agriculteur qui a intérêt à tout
mettre en œuvre pour protéger sa base de production qui est la terre et
l’eau.
Les poissons ont besoin d'une eau propre
Dans la conclusion de Pascal Mavinga qui clôt son dossier dénonce entre autre :
La rivière Broye, cours
d’eau sur lequel j’ai focalisé mes recherches, souffre des maux
engendrés par la vie moderne. Ces maux sont multiples. Ils vont du
faible débit du cours d’eau à la présence de maladies endémiques, en
passant par la faible quantité de nourritures et de caches à poissons
qui existent aujourd’hui.
Malgré les mécanismes de protection mis en place par la loi, la qualité
des cours d’eau ne cesse pas de se dégrader. La présence de nouveaux
produits utilisés dans notre vie quotidienne crée des problèmes nouveaux
et poussent les décideurs politiques à prendre des mesures qui
répondront au mieux à cette problématique. L’utilisation croissante de
produits phytosanitaires et d’engrais par l’agriculture ne fait
qu’aggraver la situation. L’industrie chimique, elle non plus, n’arrête
pas d’inventer et de proposer aux agriculteurs des nouveaux produits.
Chacun essaie de défendre ses intérêts. La Broye souffrant des maux de
notre civilisation actuelle, comme nous les avons répertoriés, c’est à
l’autorité politique qu’appartient le pouvoir de changer les choses.
Va-t-elle le faire ? La réponse à cette question viendra des hommes et
des femmes qui sont aux commandes de l’appareil étatique.
STEP de La Verna, élimination des sables
et petits déchets
CONTENU :
64 pages A4, photos couleurs
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Décembre 2005
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