ANDRÉ SCHÜLÉ
L'eau dans l'agriculture :
l'exemple de la plaine de l'Orbe
« L’année
de ma naissance, en 1942, ma famille a emménagé au moulin de Sous-Tours
à Corcelles-près-Payerne que mon père venait d’acheter à son oncle. Ce
moulin était une des nombreuses « mécaniques » que l’eau de l’Arbogne
faisait fonctionner. (Il y en avait une trentaine sur les quinze
kilomètres de son cours : moulin, scierie, battoir, pressoir,
briqueterie, etc.). Le bâtiment comprenait le logement du propriétaire,
un moulin agricole à façon, un battoir (batteuse fixe pour les
céréales), une huilerie à façon, transformant noix, noisettes, colza. Un
rural et un four à pain complétaient le site. L'eau du "canal" de
dérivation faisait tourner la turbine qui avait remplacé la roue à aubes
dans les années 1930. Ce canal passait sous la maison et son murmure
accompagnait jour et nuit la vie du moulin qui jouait la partition
principale : chuintement des courroies, frottement des meules,
claquement des heurtoirs sur les canaux à farine, sifflement du
monte-sac. Le tic-tac du moulin s’est arrêté en 1987, condamné par le
décès de mon père et l’évolution du secteur agricole. Heureusement son
nouveau propriétaire, Heinz Schuler (Président de l’Association suisse
des anciens moulins, ASAM), lui redonne vie et va remettre l’huilerie en
fonction.
Nul doute que cette enfance
passée dans ce cadre propice, n’ait été le déclencheur de mon goût pour
l’environnement, pour l’eau et ses multiples utilisations. Cet intérêt
qui m’a suivi tout au long de ma carrière a pu s’exprimer dans le cadre
du Programme Eau 21. L’étude que vous avez entre les mains est le
fruit de cette motivation. Peut-être aussi la catharsis d’actions
conscientes ou accidentelles ayant pu mettre en danger la qualité de
l’eau, source de vie. »
André Schülé, après avoir obtenu un diplôme de l’école
d’agriculture de Grange-Verney, a acquis en France une formation de
technicien en agronomie tropicale. En tant que missionnaire, il a
collaboré avec les Églises de plusieurs pays francophones d’Afrique,
dans le secteur de la formation et de l’animation rurale. En Suisse, il
a participé à la recherche agronomique et a également travaillé une
vingtaine d’années dans la réinsertion socioprofessionnelle de personnes
dépendantes.
Son étude pour le Programme Eau 21
a cherché à définir
comment l’eau est utilisée dans l’agriculture, comment l’agriculteur la
travaille pour en tirer le meilleur parti et quelles mesures sont prises
pour que cette eau reste utilisable par tous.
La plaine de
l'Orbe
André Schülé a
choisi la plaine de l’Orbe comme modèle à son étude en débutant par un
petit retour à l’école avec l’histoire et la géologie de cette campagne
puis un bref cours de biologie sur la relation de la plante avec l’eau
et le sol. Dans ce contexte de relation entre terre et végétal
intervient l’incontournable humus :
« Le complexe argilo humique, nous
explique-t-il, fonctionne comme une éponge ou comme un aimant. Il
retient les éléments minéraux et les met à disposition des racines. Le
phénomène de rétention, appelé adsorption, dépend de la forme chimique
des minéraux. Si cette adsorption est trop forte la plante ne pourra pas
profiter de ces minéraux, si l’adsorption est trop faible les minéraux
risquent d’être entraînés par lessivage (ou lixiviation).
Pour pratiquer l’apport de minéraux par la fumure, l’agriculteur peut
s’appuyer sur son expérience et l’analyse du sol (pH et teneur en
minéraux) et sur les besoins de la culture prévue. L’apport de minéraux
peut se faire sous deux formes : engrais « chimiques » du commerce,
dont la teneur en minéraux est standard et adaptée aux cultures, mais
pas forcément aux besoins du sol et l’engrais de ferme : fumier et
purin, dont la teneur en éléments minéraux n’est pas constante. Un des
avantages des engrais de ferme est qu’ils améliorent le complexe argilo
humique. La fumure par apport de minéraux sur ou dans le sol est une
opération à risque, car les minéraux en excès peuvent être entraînés
par la pluie dans les rivières ou les nappes phréatiques. La législation
essaie de minimiser ces risques par des mesures contraignantes. Sont
spécialement visés : le phosphate, responsable de l’eutrophisation des
lacs et rivières (une des mesures de diminution du phosphate a été son
interdiction dans les lessives ; une autre a consisté à diminuer le
phosphore dans la nourriture des porcs. L’eutrophisation du lac de
Sempach, entouré de porcheries, est bien connue) ; le nitrate, qui cause
des problèmes sous ses différentes formes, dont certaines peuvent être
cancérigènes et son excès provoque des difficultés respiratoires chez
les nourrissons. D’autres micropolluants pouvant se trouver dans les
déjections animales sont concernés, y compris les résidus de produits
vétérinaires.
Engrais de ferme à Chavornay
La loi oblige l’agriculteur
à semer une culture de couverture après la récolte principale. Cette
culture diminue l’écoulement des eaux de surfaces et fixe les éléments
fertilisants restant dans le sol. Cette culture « dérobée » constitue
aussi un apport organique du sol lors de son labour. La loi spécifie
exactement la charge en bétail, donc en éléments fertilisants
organiques, autorisée par surface exploitée et par zone géographique
(unité gros bétail fumure). Elle spécifie également à quel moment
l’épandage est autorisé ainsi que les conditions de stockage. Les
nouvelles fosses à purin doivent être couvertes pour limiter l’émission
de gaz ammoniacaux. Dès 2006 les boues d’épandage (résidus des stations
d’épuration) sont interdites en Suisse. Des systèmes permettant la
distribution de lisier directement au niveau du sol sont actuellement
développés. Ils limitent l’envoi de gaz ammoniacaux dans l’atmosphère. »
André Schülé nous fait part ensuite de la pratique de la lutte
phytosanitaire menée par les agriculteurs ainsi que de la toxicité des
engrais et pesticides utilisés, ce qui nous amène, par association
d’idées, à l’agriculture biologique…
Le 6e chapitre de
l’étude nous conduit à travers les vastes exploitations maraîchères
implantées grâce à l’assainissement des anciens marais.
« La terre noire de la
plaine de l’Orbe se prête bien aux cultures maraîchères. Les
exploitations se situent surtout dans le vallon du Bey, entre le Mont de
Chamblon et le Jura, ainsi que dans la plaine entre Ependes et Mathod.
Les anciens domaines maraîchers de Chavornay et Bavois font des cultures
de « plein champ » (carottes, etc.) mais surtout des « grandes
cultures » (pommes de terre, betteraves, céréales, maïs). La plupart des
cultures maraîchères nécessitent une irrigation et une fumure adaptée,
pour permettre une pousse rapide et homogène. La culture sous serre
bien conduite permet un contrôle des paramètres (humidité, température,
etc.) facilitant le suivi sanitaire. En hiver, la culture sous serre
demande un apport de chaleur important et peut être préjudiciable à
l’environnement. Le long de l’autoroute, on peut voir des serres
marquées du sigle Swiss Red sur une tomate rouge. »
Serres à Ependes
Un exemple particulièrement
intéressant de cette culture est celui de la chicorée de Witloof que
nous nommons endive. L’auteur s’est entretenu avec Christian Fasel qui
lui a transmis tous les détails de son entreprise de Penthéréaz. Ainsi
peut-on découvrir dans la brochure le parcours du légume, de sa
plantation à sa récolte, jusqu’à sa mise en conditionnement.
Terrien amoureux de sa
nature, André Schülé n’oublie pas les effets nocifs du CO2 et
préconise les biocarburants pour le futur de l’agriculture. Il nous
informe des possibilités aujourd’hui offertes et de l’utilisation de la
biomasse pour produire de l’énergie verte.
Quelques dictons paysans
sur la pluie nous mènent au contact avec les principaux intéressés : les
agriculteurs. Nous
avons extrait quelques passages de différents entretiens dont le
premier est celui d’un retraité de Chavornay, Pierre-Louis Beauverd,
né en 1922. Dans son
enfance et adolescence, Pierre-Louis Beauverd a connu l’assainissement
et la mise en culture de la plaine de l’Orbe, ainsi que l’arrivée de la
mécanisation agricole. Il a cessé l’exploitation de sa ferme en 1980.
À
votre adolescence, quelle était la surface exploitée par votre père ?
Lorsque je suis
sorti de l’école en 1938, mon père exploitait 30 poses (de 45 ares soit
13,5 hectares). Petit à petit on a économisé et on a pu acheter des
parcelles aux agriculteurs qui arrêtaient la campagne sans successeur.
Lorsque j’ai arrêté moi-même en 1980, je cultivais 70 poses (dont
environ une vingtaine que je louais) et 2 hectares de vigne. Dans les
années quarante, tout le coteau du Talent jusqu’au village était couvert
de vigne. Avec la construction de l’autoroute elles ont disparu. À ce
moment-là, j’ai recréé les 2 hectares de vigne que l’on peut admirer en
passant sur le viaduc de l’autoroute et que beaucoup considèrent comme
la carte de visite de Chavornay.
Vous souvenez-vous quand le
canal oriental a été recreusé pour permettre l’abaissement du niveau de
l’eau dans les marais de la plaine de l’Orbe ?
Je me souviens
que dans les années 1935-1936, le régent nous emmenait voir la
dragueline qui creusait ce canal, mais je ne sais pas qui finançait ce
travail. Tout cela a été possible parce qu'on avait ouvert les écluses à
Nidau dans le cadre de l’abaissement des eaux du Jura. Mais la mise en
culture n’a pu se faire qu’une fois le remaniement parcellaire exécuté
par les AF (Améliorations foncières). À cette occasion on a aussi créé
des berges pour le Talent qui débordait sans arrêt. À l’endroit où le
Talent passe sur le canal, (par l’aqueduc qui s’est effondré en 1829
mettant fin à la navigation), il y a une écluse pour déverser un
éventuel trop-plein dans canal d’Entreroches.
Est-ce que les parcelles de
marais étaient utilisées pour des activités agricoles ?
Mon père me
racontait qu’il fauchait sur ces parcelles une espèce de « bâche »
(litière sans grande valeur), il en faisait des grosses tires (tas) qui
étaient misées. C’était surtout la verrerie de St-Prex qui achetait
cette litière, elle s’en servait comme matériel d’emballage. Mon père me
disait que le montant tiré de cette vente lui permettait juste de payer
2 ou 3 bouteilles le soir de la mise.
Au fur et à mesure que les eaux s’abaissaient et que les drainages se
faisaient par les AF, les parcelles pouvaient être mises en culture. Le
promoteur et leader de ces Améliorations foncières était l’ingénieur
Benjamin Laurent. Un mécène qui a donné son moulin et son domaine de 36
poses à la commune de Chavornay.
Quand l’eau sous pression
est-elle arrivée à la ferme ?
L’eau sous
pression est arrivée en 1921, avant nous avions deux puits, mais le
principal de l’eau venait de la fontaine au carrefour, (environ 400
mètres aller-retour). Ma mère allait y chercher l’eau tous les matins
pour remplir la pierre à eau, (réservoir en pierre d'environ 80
litres). C’était la réserve d’eau journalière pour la cuisine, etc. On
prenait, de temps en temps, l’eau des puits. Par exemple pour cuire la
soupe aux cochons. C’est également à la fontaine qu’on allait abreuver
le bétail, les vaches deux fois par jour et les chevaux trois fois. Les
abreuvoirs automatiques pour les vaches sont arrivés en 1935, mon père
en avait installé dans une des deux écuries "pour voir si ça jouerait" !
Il faut bien dire que les vaches, qui auparavant allaient deux fois par
jour à la fontaine, restaient maintenant des mois sans sortir de
l’écurie.
Chavornay, fontaine en Couvalou
L’eau de la fontaine
était-elle mieux appréciée que l’eau des puits ?
Non, on buvait
aussi l’eau des puits. Dans notre quartier il y avait beaucoup de puits.
Le nom de notre quartier "En Couvalau" a peut-être à faire avec cette
présence abondante d’eau en sous-sol.
Comment se lavait-on à
l’époque ?
On se lavait
dans un baquet en zinc, à la cuisine. Les toilettes se trouvaient dans
une petite cabane dans la cour vers le tas de fumier. Il est vrai que
les nuits de bise, comme la nuit dernière, on est content de ne plus
être obligé de sortir dans la cour ! Avec vous on peut en discuter,
parce que vous avez bu à peu près dans la même fontaine, mais lorsque
l’on parle avec une autre génération, ils nous traitent de fous !
Que pensez-vous de
l’extension des jachères (en 2004, 11% de la surface cultivable) ?
Je vous donne
l’avis de quelqu’un qui a travaillé la terre : c’est honteux ! À deux
heures d’avion de chez nous il y a des gens qui crèvent de faim et nous
on laisse du beau terrain sans le cultiver. De même, on nous a beaucoup
reproché d’avoir toujours la « pompe au cul » (être toujours en
train de traiter les cultures). Mais dans le temps on utilisait des
produits plus puissants, il suffisait d'un ou deux passages par année.
Pour la vigne, avec mon père, on faisait deux traitements, en général,
par année. On utilisait des boulets de vitriol (sulfate de cuivre),
qu’il fallait mettre tremper la veille pour les dissoudre.
On y ajoutait de
la chaux pour faire « coller » le produit. Maintenant on fait 10 à 11
traitements par année car les produits sont spécifiques, mais ça coûte
de faire tous ces traitements. Et voilà que l’on se met à cultiver des
« mauvaises herbes » dont les graines se répandent sur des kilomètres
lors des coups de vent. C’est du pain
béni pour les vendeurs d’herbicides. J’en parlais avec ma fille, il y a
maintenant dans la vigne des plantes que l’on n’avait jamais vues.
Parlez-nous de
l’alimentation en eau de la commune de Chavornay ?
La commune a
commencé par puiser de l’eau vers les EPO, mais avec le développement de
la ville d’Orbe, l’eau de ce forage n’était plus suffisante pour les
deux communes. On a aussi puisé de l’eau près du Talent, il y en avait
assez, mais c’était de l’eau rouge ferrugineuse et les habitants se
plaignaient, c’était la fameuse eau à Bousson. On a alors mis en
étude le forage d’Entreroches. Mon père me disait : ça va coûter
trop cher ! Mais ce forage a bien donné et continue son service.
Espérons qu’avec le boum de la construction à Chavornay, ce forage ne
nous lâchera pas, car la stabilité de la plaine de l’Orbe n’est pas
assurée. Les réservoirs en haut du village, surnommés les mamelles, ont
été agrandis, c’est bien nécessaire maintenant que les gens se lavent
deux fois par jour !
Votre mot de la fin ?
On a connu des
années de sécheresse et des années mouillées. Lorsque l’année est
pluvieuse, il y a beaucoup de récoltes, mais aussi beaucoup de maladies
et les récoltes sont difficiles sous la pluie ; quand il fait sec, on a
de la bonne marchandise, mais trop peu. Malheureusement aujourd’hui il y
a trop de tout, quand on pense à cette betterave à sucre qui a
animé le village pendant des dizaines d’années, on parle de la supprimer
pour la remplacer par des plantes produisant de l’éthanol, Colza,
Tournesol, etc. Ces jachères, ces OGM et compagnie, c’est tout du
« chenit » pour moi, un cultivateur qui a mis la main à la terre et qui
a eu du plaisir à récolter des produits utiles.
André Schülé a également rencontré
Alexandre Schwager, directeur des Écoles d’agriculture vaudoises, que
nous avons déjà eu l’occasion de croiser dans l’étude de
Pascal Mavinga
(« Protection légale de l'eau : cas concrets de pollution de la Broye »).
Un mois plus tard, le 10 janvier 2006, il s’entretient avec Jean-Claude Agassis, syndic de Bavois depuis 16 ans, et qui met en place un
Projet nitrate pour protéger la zone de pompage du forage communal.
Pour
préserver l’approvisionnement en eau potable, la commune met en place un
Projet nitrate, quelle en est l’implication ?
Il s’agit de
l’application de l’article 62 a, de la protection des eaux. La limite
supérieure de tolérance pour la teneur en nitrate de l’eau potable est
fixée à 40 mg par litre par la Confédération. L’objectif à atteindre est
un maximum de 25 mg par litre. Si par accident la teneur devait dépasser
les 40 mg, la commune doit avertir les habitants de ne pas utiliser
cette eau pour les personnes fragiles, par exemple pour la préparation
des biberons.
Quelle est la
qualité de l’eau de Bavois ?
Bavois a une eau
de qualité moyenne, avec une teneur actuelle en nitrate de 30 à 34
milligrammes. Nous avons eu dans le passé une teneur jusqu’à 60
milligrammes. Comme nous fournissons l’eau de l’aire autoroutière de
Bavois, nous ne pouvons prendre aucun risque. Aussi, avec l’aide de la
Confédération et du canton, la Commune a mis en place un Projet nitrate
qui vise à faire descendre la teneur en nitrate de notre eau en dessous
des 25 milligrammes.
En quoi consiste votre
Projet nitrate ?
Le projet
consiste à mettre en zone de protection stricte une surface de plus de
20 hectares, qui couvre la nappe phréatique alimentant notre forage. Ce
forage est situé en dessous du château entre la route d’Orny et la voie
CFF. Le sol de cette zone est de la tourbe, en sous-sol nous trouvons de
la marne puis des sables et enfin vers 8 mètres de profondeur du
gravier. Le puits, foré en 1989, en remplacement d’un ancien puits
datant de 1947 dans cette même zone, a 50 centimètres de diamètre, il
est profond de 11 mètres. Nous pompons l’eau entre 8 et 9 mètres. La
concession cantonale autorise un débit de 550 litres par minute.
Quelles sont les
contraintes de protection ?
La surface à
protéger recouvre une bonne partie du terrain entre la route d’Orny et
la voie CFF, la pente, à l’ouest du village entre la route d’Orny et la
route d’Oulens est aussi comprise. Six agriculteurs ont des terrains
dans cette zone. D’ici mai 2006, nous devrons avoir l’accord écrit de
tous les propriétaires pour la mise en place du Projet nitrate.
Les contraintes sont le respect absolu des conditions PER avec une
restriction supplémentaire sur l’assolement. Ainsi pour une durée de six
ans, seuls deux ans pourront être en terre ouverte, les autres années
devront être en herbe. Les cultures de pommes de terre et de maïs seront
à éviter expressément. La fumure organique, fumier et lisier, est
interdite, mais le pâturage est autorisé.
Zone du Projet nitrate de Bavois,
au premier plan le captage des planches de l'Ile
Votre réseau d’eau est-il
connecté à un autre réseau ?
Oui, nous sommes
interconnectés avec l’AIAEE (association intercommunale
d’approvisionnement en eau d’Echallens), qui est le grand réseau qui va
de Lausanne à Belmont-sur-Yverdon. Nous avons un réservoir à côté du
château d’eau de Goumoens-la-Ville et l’eau descend en cascade jusqu’à
Bavois. Cette interconnexion nous est utile lors de problèmes de rupture
de conduite ou de pompe. C’est une sécurité pour notre
approvisionnement. Mais en général, notre forage nous suffit.
Est-ce que vos pompes à
traitement sont contrôlées ?
Bien sûr, il est
obligatoire de les faire contrôler tous les quatre ans. L’ASETA
(L’Association suisse d’équipement technique agricole), basée à
Grange-Verney, organise des ateliers de contrôle par région. Comme
j’avais fait l’École d’agriculture avant les nouvelles mesures de
protection écologique et que j’effectue des traitements pour des tiers,
j’ai dû faire une formation de trois jours et passer un « permis de
traiter ». Le pulvérisateur que nous avons actuellement a son propre
système de rinçage, il n’y a aucun fond de cuve délesté dans les égouts
ou ailleurs.
Les quantités de produits
antiparasitaires et d’engrais sont-elles contrôlées ?
Dans le cadre du
système PER, nous avons un registre par parcelle où est répertorié tout
ce qui est épandu sur la parcelle, aussi bien traitements qu’engrais,
ainsi que le journal des travaux et l’assolement. Par exemple, voici la
fiche d’une parcelle où j’ai épandu du lisier de porcs que je prends par
contrat chez un éleveur ; le contrat mentionne le nombre de m3
et la teneur du lisier en matière fertilisante. Ce type de contrat doit
être attesté par la Commune. Nous avons droit à une tolérance de 10% par
rapport au bilan de fumure. L’analyse du sol doit être effectuée au
moins une fois tous les dix ans. J’ai un plan des parcelles avec les
surfaces de compensation écologique, (7% du domaine). La provenance des
semences, avec la garantie sans OGM du semencier, est également inscrite
sur la fiche de parcelle. Nos registres sont contrôlés au moins une fois
tous les deux ans. Certains traitements nécessitent des autorisations
que je demande à la station agricole de Grange-Verney. Tous ces
contrôles, analyses, etc., nous coûtent cher ; c’est la raison pour
laquelle il est impossible que nous produisions au même prix que les
pays voisins qui ne sont pas soumis à toutes ces mesures.
Que pensez-vous des
cultures destinées au biodiesel (Colza, Tournesol,…) ?
On voit très bien qu’avec
la raréfaction des produits pétroliers et l’augmentation de la demande
nous allons vers une pénurie, d’où la nécessité de se diriger vers des
énergies renouvelables : panneaux solaires, produits de substitution
venus de l’agriculture, etc.
En Suisse, les autorités traînent un peu les pieds, mais si on regarde
en Autriche, en Allemagne ou en France, de gros efforts sont faits dans
cette direction ; de grosses unités de production fortement soutenues
par les pouvoirs publics se mettent en place.
J’ai
entendu dire qu’il existe un système de régulation des drainages dans la
plaine ?
L’eau de la plaine de
l’Orbe en bas du village s’écoule par le canal d’Entreroches. Ce canal a
une très faible pente jusqu’au lac. Tout le réseau de drainage mis en
place dans les années quarante-sept et quarante-huit était en tuyaux de
terre cuite (drains) et n’était plus performant. À force de labourer la
terre noire, il y a eu un tassement et les drains étaient déplacés par
les charrues. Tout le réseau a donc été refait, en abandonnant le
système gravitaire qui finissait par assécher les zones de tourbe. Une
étude de l’EPFL a recommandé de cesser d’assécher ces zones. Le nouveau
réseau de drainage mis en place laisse le niveau de l’eau au maximum et
conserve davantage d’eau dans la plaine. Lors des périodes de récolte où
l’on entre avec de plus grosses machines dans les parcelles, nous
pompons un peu plus pour abaisser le niveau de la nappe.
Comment se présente le
nouveau système de drainage ?
Le réseau de drainage est
établi à 1,10 mètre de profondeur, nous trouvons ensuite des
sous-collecteurs à 2 mètres et les collecteurs principaux à 3 mètres.
Ces derniers sont munis de pompes. Ce nouveau réseau concerne les zones
de terres noires de pratiquement toute la plaine de l’Orbe.
Que nous diriez-vous pour
conclure ?
Nous sommes bien obligés de
constater que partout où l’homme met la main, il commet des erreurs que
l’on doit réparer par la suite. Dorénavant nous devrions réfléchir
davantage avant d’agir. Cette terre, nous l’empruntons à nos enfants.
Particulièrement dans le domaine de l’eau potable, nous devons vraiment
la protéger. Nous devons faire cet effort car c’est la vie qui en
dépend.
Semis d'automne devant le château de Champvent
La conclusion de l’étude apportée par
André Schülé s’impose d’elle-même :
« L’eau propre est un cadeau
du ciel, mais la maintenir propre est le rôle de l’homme. Notre société
en est bien consciente et prend les mesures adéquates. L’agriculture a
un rôle important à jouer, la société le lui demande et la rémunère pour
cela. Il est important que l’agriculture garde la maîtrise de ce
secteur. D’importants remaniements sont encore à venir en ce qui
concerne les productions et la grandeur des domaines agricoles, mais
tout doit être étudié avec cette perspective. La centralisation est en
marche, mais elle doit laisser de l’espace à l’individu pour qu’il
prenne ses responsabilités. On a encore beaucoup d’agriculteurs qui sont
des paysans, c’est une chance car il n’y a pas de pays sans paysans. »
Fin d'hiver à Goumoens-la-Ville,
les terres sont encore très humides
CONTENU :
64 pages A4, photos couleurs
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Mars 2006
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