PIERRE LEUNIS
Gestion du risque de pollution de l'eau dans l'aviation
civile et militaire suisse
De
toutes les grandes inventions de l'homme, de la roue à l'imprimerie et
du bateau à voiles à l'ordinateur, peu ont eu sur l'humanité un impact
aussi fort que l'aviation. Les avions ont réduit les dimensions de notre
planète, supprimé l'isolement des cultures, fortifié le commerce et
amélioré les relations humaines ; ils ont également donné une nouvelle
et terrible dimension à la guerre. Toutefois, l'aviation a deux talons
d'Achille : la pollution sonore et la pollution atmosphérique. En dépit
des progrès énormes accomplis pour réduire ces nuisances majeures, les
perspectives d'expansion soutenue du transport aérien mondial posent
désormais, sur le terrain de l'environnement, un défi de taille à
l'ensemble de la recherche aéronautique.
C’est ainsi que Pierre Leunis, pilote privé, responsable administratif
et financier, nous introduit dans son étude qui entreprend de résumer
une partie du défi environnemental lancé par l’aviation helvétique. Nous
n’avons pas l’intention de mettre sur cette page l’ensemble de l’é
tude
qui comporte nombre de spécifications et précisions, mais brièvement les
grandes lignes puisées dans le texte, ainsi que les entretiens qui font
suite.
Le premier chapitre porte sur l’identification méthodique des facteurs
qui aujourd’hui contribuent à polluer l’environnement dans les milieux
aéronautiques.
L’aéroport est une zone d’activités sur laquelle sont souvent installées
plusieurs entreprises et où travaillent de nombreux employés. Ces
activités ainsi que le transit de passagers nécessitent l’usage de
grandes quantités d’eau. De plus, la circulation des avions au sol est à
l'origine de plusieurs types de dépôts polluants.
La plupart des surfaces aménagées – et imperméables – que forment les
aéroports accumulent des dépôts secs qui seront mobilisés par temps de
pluie et entraînés avec l'écoulement des eaux. Toutefois l'eau de pluie
qui entraîne ces dépôts secs n'est pas une eau propre lorsqu’elle arrive
au sol. Les études effectuées sur les eaux pluviales montrent que 15 à
25% de la pollution contenue dans les eaux de ruissellement est
directement imputable à la pollution des eaux météoriques résultant de
l'activité urbaine et industrielle.
À cela s'ajoutent les pollutions de différentes natures liées aux
activités de l'aéroport. La combustion d’un kilo de kérosène et de 3,4
kg d’oxygène produit quelques 3,15 kg de dioxyde de carbone (CO2)
et 1,24 kg de vapeur d’eau. Le kérosène est un carburant relativement
propre comparé aux autres produits pétroliers. Ne contenant pas de
plomb, ni d’halogène, il n’y a pas de métaux lourds ou de dioxines
présents dans ses émissions. Une loi Internationale spécifie que le
kérosène ne peut contenir plus de 0.3% de soufre. Le kérosène
généralement utilisé ne contient pas plus de 0.05% de soufre. Avec ce
niveau, un kilo de kérosène produit environ 1 g de dioxyde de soufre (SO2)
lors de la combustion. Le kérosène n’est pas le seul carburant
d’aviation utilisé de nos jours. Seuls les avions à turbines
l’utilisent. Tous les appareils munis d’un moteur à pistons, en règle
générale les petits avions légers de tourisme, fonctionnent avec du
carburant hautement raffiné appelé AVGAS ou 100LL. Aujourd’hui, certains
petits avions utilisent du carburant diesel en raison de son prix plus
attractif et de la plus faible consommation qu’engendrent les moteurs de
ce type.
Lausanne-Blécherette, station service pour avions
Divers
produits et matériaux destinés à la construction et à la
maintenance sont également susceptibles d’être la source de pollutions.
D’importantes quantités de solvants très divers sont employées, dont des
variantes nuisibles pour l’environnement, comme le méthyléthylcétone et
le fréon, celles-ci sont remplacées par d’autres moins nocives. Les
alliages d’acier contenant du chrome ou du nickel sont employés dans
l’outillage tandis que, pour les outils de coupe, on fait appel à des
métaux durs contenant des carbures de cobalt et de tungstène. Le plomb,
qui entrait auparavant dans le processus d’usinage et de façonnage, est
désormais très peu usité, ayant été remplacé par le kirksite. Au total,
on estime que l’industrie aérospatiale utilise plus de cinq mille
produits chimiques et mélanges de composés chimiques, la plupart
fabriqués par plusieurs fournisseurs, et beaucoup de composés qui
contiennent souvent une dizaine d’ingrédients. La composition exacte de
certains produits est protégée par des brevets ou tenue secrète pour des
raisons commerciales, ce qui ajoute encore à la complexité de cet
ensemble hétérogène.
Les services au sein des aéroports sont aussi susceptibles d’engendrer
diverses émissions polluantes. Dès que la température au sol approche de
0°C, les avions sont dégivrés afin qu’ils puissent décoller et être
exploités en toute sécurité. Les produits utilisés dans les opérations
de dégivrage sont constitués d'un mélange d'eau et de glycol qui est
appliqué chaud. Si ces produits devaient se retrouver dans les cours
d'eau en concentration appréciable, ils pourraient être toxiques pour la
faune et la flore aquatique. En hiver, il est parfois nécessaire de
procéder à un déverglaçage des aires de stationnement, des aires de
circulation et des pistes. L’utilisation de produits antigel spécifiques
en grande quantité peut induire un risque de pollution pour
l’environnement.
Cointrin : gros trafic d'un
samedi pluvieux
À chaque
atterrissage, les avions laissent un peu de la gomme de leurs pneus sur
la zone de contact. Les résidus de gomme sont en général évacués avec
les déchets à incinérer. Aux abords des pistes, les concentrations en
cuivre sont souvent élevées, et d'autant plus importantes que l’on
s’approche de la piste. Le cuivre provient essentiellement de l'usure
des garnitures de frein des avions. Les concentrations des autres métaux
lourds dépassent rarement les seuils autorisés et, dans tous les cas,
les teneurs constatées près de la piste ne nécessitent pas de mesures
d’assainissement. À l’instar des bords des axes routiers ou
ferroviaires, la pollution par les métaux lourds est liée à la quantité
de trafic.
Les eaux usées d’un site aéroportuaire de grande taille proviennent de
ses installations sanitaires, de la vidange des toilettes des avions, du
lavage et de la réparation des avions ou des véhicules utilitaires, des
cuisines des restaurants, ainsi que des différents ateliers techniques.
Les eaux des égouts d’un aéroport international correspondent à ce que
peut produire une agglomération de trois à cinq mille habitants. Ces
eaux souillées sont, si nécessaire, prétraitées sur place, puis amenées
à travers le réseau de canalisations jusqu’à une station d’épuration.
L’Aéroport International de Genève par exemple, ne dispose pas de sa
propre structure de purification des eaux dans la mesure où la capacité
de l’installation cantonale permet de traiter, dans les meilleures
conditions, tous les effluents de la zone aéroportuaire.
Par atteintes à l’environnement, on entend les pollutions
atmosphériques, le bruit, les vibrations, les rayons, les pollutions des
eaux et les autres interventions dont elles peuvent faire l’objet, les
atteintes portées au sol, les modifications du patrimoine génétique
d’organismes ou de la diversité biologique, qui sont dus à la
construction ou à l’exploitation d’installations, à l’utilisation de
substances, d’organismes ou de déchets ou à l’exploitation des sols. Un
système d’évacuation des eaux des voies de communication sur les
aérodromes doit garantir la sécurité et le confort pour les usagers,
tout en remplissant simultanément les différentes exigences relatives à
l’environnement. Il s’agit en particulier de boucler le cycle de l’eau
de la manière la plus naturelle possible sans que les eaux soient
polluées. De plus, il faut garantir que la fertilité du sol se conserve
à long terme en dehors des installations. Selon la loi sur la protection
des eaux (LEaux) du 24 janvier 1991 et l’ordonnance correspondante sur
la protection des eaux (OEaux) du 28 octobre 1998, les eaux polluées
doivent être traitées et les non polluées infiltrées. Les eaux sont
considérées comme polluées si elles peuvent elles-mêmes polluer des
eaux.
L’auteur
réunit ensuite les aspects juridiques de la protection des eaux dont
certains ont déjà été traités dans d’autres études, citons juste le Plan
sectoriel d’infrastructure aéronautique (PSIA) : Le PSIA fixe de manière
contraignante pour les autorités les exigences et objectifs relatifs à
l’infrastructure de l’aviation civile suisse. En octobre 2000, le
Conseil fédéral a approuvé les objectifs et exigences de caractère
conceptionnel du PSIA. Depuis, les fiches de toute installation
aéroportuaire doivent être approuvées par étapes. Chaque fiche par
installation du PSIA définit les conditions générales de l'exploitation,
le périmètre d'aérodrome, l'exposition au bruit, l'aire de limitation
d'obstacles, la protection de la nature et du paysage ainsi que
l'équipement.
Dans le second chapitre, Pierre Leunis traite de la gestion du risque de
pollution dans les aéroports.
Concernant les aéroports, la pollution entraînée dans les eaux est très
inférieure à celle rencontrée sur les routes et autoroutes, à
l'exception du paramètre métaux lourds, lié à l'importance de l'usure
des pneus et des freins au moment des atterrissages. Des pollutions
ponctuelles interviennent cependant à l'occasion des opérations de
déverglaçage et de dégivrage des avions (un dégivrage requiert
l'utilisation d'environ 750 litres de glycol), et surtout, des exercices
d'entraînement des pompiers (feux de kérosène générant d'importants
rejets d'hydrocarbures dans les eaux). Ces pointes de pollution sont
généralement évitées par une meilleure sensibilisation des personnels
aux risques de pollution, et par l'aménagement systématique de zones
d'exercice (terrains entourés de bassins de retenue ou de fossés
d'écoulement dont le rôle dans l'épuration est très important). Des
pollutions accidentelles aux hydrocarbures, tel que le trop plein d’un
réservoir d’avion se déversant sur le sol par exemple, sont également
possibles. Ainsi, toutes les précautions sont prises pour prévenir une
pollution chronique et accidentelle. Des mesures paraissent
particulièrement nécessaires lorsque les aéroports sont situés à
proximité de prises d'eau utilisées par les installations de production
d'eau potable. Ces précautions se traduisent par l’aménagement
d’infrastructures (bassins de traitement de la pollution chronique et
accidentelle sur les aires de maintenance, séparateurs d’hydrocarbures
sur les aires de stationnement, etc.) destinées à traiter les eaux
pluviales avant leur rejet dans le milieu naturel.
La Petite Glâne le
long de l'Aérodrome de Payerne
Nous
découvrirons ci-après les systèmes de drainage et de filtration les plus
couramment utilisés dans les aéroports, que les lecteurs de la brochure
peuvent découvrir en détail, sont :
-
Fossés enherbés : La principale fonction des fossés est d’évacuer
l’eau. L’objectif est de rééquilibrer la qualité de l’eau de
ruissellement présentant une Demande Chimique en Oxygène (DCO)
élevée.
-
Bassins et ouvrages de régulation : Le choix de la régulation est
important car il conditionne pour une grande part l’efficacité des
dispositifs de traitement avant rejet dans le milieu, dans les cas
où l’on prévoit un bassin ou un réservoir.
-
Déshuilage et séparateurs à hydrocarbure : Le déshuilage a pour but
de séparer les particules à faible densité de l’eau.
-
Filtration et infiltration : L’objectif de la filtration est de
retenir les matières en suspension les plus fines.
-
Dispositifs de piégeage passifs et actifs d’une pollution : Le
piégeage passif doit permettre d’isoler une pollution sans aucune
intervention humaine. Le principe de piégeage actif doit répondre à
la mise en sécurité d'une ressource en eau contre une pollution
accidentelle, miscible à l'eau ou non, concomitante avec un épisode
pluvieux. Le principe de piégeage actif nécessite l'intervention
humaine, que ce soit pour la surveillance de la section concernée ou
pour l'intervention sur les dispositifs.
L’Office
fédéral de l’aviation civile et l’Office fédéral de l’environnement, des
forêts et du paysage (OFEV) ont élaboré conjointement des
recommandations concernant la compensation écologique sur les
aérodromes. Elles contiennent des informations sur les possibilités
d’aménager des surfaces proches de l’état naturel.
La compensation écologique sur les aérodromes permet non seulement à la
flore et à la faune d’acquérir un meilleur habitat, elle offre également
l’occasion de réunir diversité biologique, activité aéronautique et
technologie de pointe. Cette association entre technique et nature est
un défi particulièrement fascinant et motivant pour notre société
moderne.
Les terrains ouverts des aérodromes, utilisés ou non par l’agriculture,
se prêtent principalement aux surfaces de compensation suivantes :
prairies permanentes extensives ou peu intensives, jachères florales,
haies, bandes culturales extensives et bordures de chemins. Ces surfaces
remplissent les exigences de sécurité spécifiques à l’aviation, sont
facilement réalisables et génèrent une plus-value écologique
substantielle. Ainsi les jachères florales, dont les multiples couleurs
les rendent particulièrement esthétiques, offrent une protection
optimale à certains oiseaux et petits rongeurs qui nichent au sol. Leur
végétation constitue en outre, en l’absence de tout traitement par des
herbicides ou insecticides, un garde-manger idéal pour ces animaux.
Elles sont enfin le refuge de nombreuses espèces végétales, souvent
rares et même menacées.
Une valorisation écologique est également réalisable dans les zones
bâties, c’est-à-dire sur des surfaces étanchéifiées. La végétalisation
des toits plats ou des façades, l’utilisation de revêtements permettant
à des plantes de se développer sur les routes et parkings, la
récupération des eaux de pluie pour la création d’étangs, la
végétalisation des bassins de rétention ou l’aménagement de
plates-bandes de fleurs sauvages ne sont que quelques exemples de ce
qu’il est possible de faire pour donner plus de place à la nature sur
les sites aéroportuaires.
À
intervalles réguliers, les médias évoquent les quantités massives de
carburant dont les avions se délesteraient en vol. Si cela se produit
bel et bien, c’est essentiellement lorsqu’il le faut, pour éviter une
situation dangereuse pour l’appareil, les passagers et l’équipage. Les
directives édictées par l’OFAC et régissant le largage de carburant font
que d’une part l’opération ne comporte aucun danger pour l’appareil, et
d’autre part que le carburant évacué ne pollue pas le sol et les eaux,
car il s’évapore rapidement. Le choix de la zone de largage s’inspire
principalement de deux critères : les conditions météorologiques et les
autres appareils pouvant traverser le secteur. Le largage de carburant
n’étant pas une procédure normale, on ne saurait le planifier. Malgré la
croissance du trafic aérien, les cas d’évacuation d’urgence du carburant
n’ont pas sensiblement augmenté ces dernières années. Entre 1990 et
2003, il s’en est produit en moyenne cinq par an dans l’espace aérien
suisse, avec 26 tonnes de carburant largué en moyenne lors de chaque
opération.
Camion nettoyeur des zones de
mouvements et de stationnement à l'Aéroport International de Genève
Afin
d’avoir un avis éclairé sur ce qui est entrepris par les aérodromes
suisses pour préserver l’environnement et les eaux en particulier, nous
nous sommes entretenus, le 12 janvier 2006 à Lausanne, avec Me
Pierre Moreillon, Secrétaire de l’Association suisse des aérodromes, qui
a répondu dans le détail à nos questions.
Comment
est structurée votre Association ? Quelle est sa finalité ?
Nous
sommes dotés d’une structure associative classique et assurons deux
fonctions principales. D’une part nous fournissons des conseils à nos
membres : l’exploitation d’un aérodrome devenant de plus en plus
complexe, il faut assister et conduire les personnes responsables au
travers des méandres normatifs et règlementaires. D’autre part nous
représentons la communauté des aérodromes suisses auprès des autorités
lorsque les intérêts généraux de nos membres sont mis en cause, mis en
péril ou doivent être représentés dans le cadre de procédures de
consultation, sur le plan législatif par exemple.
En tant qu’homme de loi,
pouvez-vous brièvement citer et décrire les articles de loi et les
ordonnances fédérales, cantonales et communales qui lient l’aviation
civile au respect de l’environnement, et plus particulièrement au
respect de l’eau ?
Les
dispositions de la protection de l’environnement et de la protection des
eaux s’appliquent évidemment directement aux installations
aéroportuaires et aux champs d’aviation. Ce qui est important pour nous,
c’est l’articulation qui est créée notamment par l’ordonnance sur
l’infrastructure aéronautique (OSIA). L’OSIA régit la prise en compte
des intérêts environnementaux et de la protection de l’eau dans le cadre
des processus aéronautiques. Lors de la construction d’une installation,
lors d’une procédure d’approbation de plans, lors de l’octroi d’une
concession d’exploitation ou d’une autorisation d’exploitation pour les
aérodromes non-concessionnés, l’autorité et l’exploitant doivent tenir
compte des normes régissant le respect de l’environnement. Tout cela se
fait dans le cadre de procédures qui sont unifiées au niveau de l’Office
fédéral de l’aviation civile (OFAC).
Il faut encore préciser qu’en plus du cadre fixé par l’OSIA,
l’exploitation d’un aérodrome doit respecter celui qui est fixé par le
PSIA (Plan sectoriel d’infrastructure aéronautique). L’OSIA est une
règle légale, le PSIA est un faisceau de décisions qui ne dépend pas de
la législation sur l’environnement, ni de la législation aéronautique.
C’est un instrument, prévu par la loi fédérale sur l’aménagement du
territoire.
Qui dit
aménagement du territoire, dit évidemment appréciation des activités à
incidence spatiale. Elles doivent être analysées et quantifiées afin de
mesurer leur impact sur l’aménagement du territoire. C’est ainsi que la
boucle est bouclée puisque le PSIA aboutit à l’élaboration de fiches
d’objets contenant des décisions elles-mêmes contraignantes pour les
autorités dans l’application de l’ordonnance sur l’infrastructure
aéronautique OSIA. Ces autorités ne peuvent décider que dans le cadre de
ce qui a été fixé dans le PSIA.
Installation
de pompage de kérosène
en milieu de piste à Cointrin
Chaque
aérodrome fait donc l’objet d’un traitement spécifique ?
Pour
chaque aérodrome, l’impact sur les eaux, tant de surface que
souterraines, est analysé. Pour chacune des cent quatre-vingts
installations aéronautiques suisses, une fiche du PSIA est établie au
terme d’un processus de coordination piloté par l’autorité cantonale.
Une ou plusieurs séances de consultation et de coordination sont
organisées, auxquelles participent les représentants des Services des
forêts, des transports, du tourisme, des eaux, etc. Chacun analyse la
problématique qu’il représente, donne son avis, préconise le cas échéant
des mesures à prendre. Tout cela est intégré dans un protocole de
coordination et ensuite transformé en fiches d’objet approuvées par le
Conseil fédéral. Ces fiches traitent aussi de la problématique de l’eau.
Comment la loi
oblige-t-elle les aérodromes à mettre tout en œuvre pour protéger les
eaux tant de surface que souterraines ?
La loi
oblige les exploitants d’aérodromes à respecter les règles de protection
de l’environnement, ne serait-ce que par l’intermédiaire de l’OSIA. L’OFAC
surveille ou fait surveiller par des tiers (autorités cantonales, bureau
d’ingénieurs, etc.) l’application des exigences spécifiques à
l’aviation, des exigences opérationnelles, des exigences de la police de
l’urbanisme et des exigences de la protection de l’environnement. L’OFAC
a pour tâche de surveiller l’application des règles légales, des
décisions et de la jurisprudence sur les aérodromes et en cela aussi les
règles de protection de l’environnement.
La compensation écologique
est-elle une mesure volontaire sous l’autorité du Chef de place ?
Quelles sont les mesures incitatives favorisant cette compensation
écologique ?
Elle
n’est pas une mesure volontaire et n’est pas sous l’autorité du Chef de
place. Il s’agit d’une obligation qui est faite à l’exploitant de
l’aérodrome. La compensation écologique est fixée par un certain nombre
de règles qui sont des pratiques administratives. Elles ont fait l’objet
d’une brochure destinée aux exploitants d’aérodromes. À l’heure
actuelle, vous ne passez plus de dossiers de construction ou de
modification sur un aérodrome sans proposer une mesure de compensation
écologique. L’État ne prend pas de mesures incitatives, il impose la
compensation écologique.
Prenons
l’exemple de l’Aéroport de Lausanne, où la mise à disposition de
surfaces de compensation écologique fait l’objet d’une décision dans la
fiche d’objet du PSIA. Tout un chapitre d’explications accompagnant la
fiche d’objet est consacré à la compensation écologique. Les critères
pouvant être assez contraignants sont définis par l’Office fédéral de
l’environnement dans une brochure publiée à cet effet.
Concernant les
compensations écologiques, quelle est la place laissée à la valorisation
des milieux aquatiques ?
L’importance de la compensation écologique liée à l’eau est dépendante
du positionnement géographique de l’aérodrome. Chaque cas est concret et
individualisé, il n’y a pas de règle générale si ce n’est quelques
principes, notamment celui des 12% du périmètre d’aérodrome à valoriser
d’un point de vue écologique.
Il nous
a paru important de rencontrer Mme Martine Voutaz Thomas, responsable
environnement Eaux/Déchets de l’Aéroport International de Genève, le 19
janvier 2006 afin de connaître l'engagement de l’AIG dans la gestion du
risque de la pollution des eaux.
Pouvez-vous
vous présenter, quel est votre parcours professionnel et en quoi
consiste votre travail au sein de la Division Eaux/Déchets de l’Aéroport
International de Genève (AIG) ?
De
formation ingénieur en génie rural avec une spécialisation en
environnement, j’ai d’abord travaillé dans un bureau d’ingénieurs
conseils sur des études d’impacts dans les domaines du sol, du bruit et
de la qualité de l’air. Après cette expérience, j’ai été engagée par l’AIG
en tant que responsable environnemental Eaux/Déchets. Mon travail
consiste principalement à mettre en place des mesures de protection de
l’environnement qui s’imposent par le biais légal, ou des mesures
proactives.
Où en êtes-vous dans la
démarche ?
Actuellement nous avons terminé l’inventaire de toutes les canalisations
que nous avons compilées sous forme de cadastre. Ce cadastre, mis sur un
support informatique (système d’information géographique : SIG),
représente l’ossature du PGEE. Certains rapports dénommés rapports
d’états, qui font également partie de la première phase d’inventaire,
sont en cours d’élaboration. Nous sommes donc dans la phase de
diagnostic. La fin de la phase 2 du PGEE est prévue pour fin 2006. En
fonction des solutions retenues, la mise en œuvre pourra prendre
plusieurs années.
Prélèvement
automatique d'eau
dans le Vengeron
Existe-t-il
des procédures standardisées permettant aux aéroports de faire face dans
les plus brefs délais à une pollution majeure ? Si oui, quelles
sont-elles ? Quelles sont les instances qui les édictent ?
Notre
service interne de sécurité suit les directives Internationales de
l’OACI (Organisation de l’aviation civile Internationale). Nous avons
développé des procédures internes calquées sur ces directives et acquis
du matériel en conséquence. En cas de pollution importante ou de
catastrophe, le service de sécurité de l’aéroport intervient de concert
avec les autorités cantonales. Il existe des plans d’intervention qui
impliquent la collaboration avec les services de sécurité extérieurs.
Nos services de sécurité s’entraînent régulièrement sur des sites
européens spécialement dédiés à la gestion de catastrophes où ils
peuvent s’exercer dans des situations réelles avec des feux de kérosène
et des déversements d’hydrocarbures.
Quels sont les incidents
et/ou accidents majeurs de ces dix dernières années liés à une atteinte
de l’environnement recensés sur le site de l’aéroport ? Le cas échéant
quelles en furent les conséquences ?
Le seul
accident important que l’aéroport ait connu est celui d’un avion qui,
dans les années quatre-vingts, est sorti de piste en déversant de
grandes quantités de carburant au sol. La zone de l’accident a été
assainie. Il n’y a pas eu de contamination des eaux de la nappe
phréatique mais environ un tiers de la quantité de kérosène déversée
lors de l’accident s’est écoulé dans le lac Léman malgré les efforts
entrepris lors de l’intervention.
Concernant la compensation
écologique, quelle est la place laissée à la valorisation des milieux
aquatiques à l’Aéroport International de Genève ?
Les
zones humides naturelles sont incompatibles avec l’activité aérienne de
l’Aéroport International de Genève. Qui dit milieu aquatique dit
attirance des oiseaux et donc danger de collision aviaire. Les milieux
humides à proximité de l’aéroport sont dès lors indésirables. Nous en
avions par le passé, mais ils ont été drainés afin de limiter l’accès au
site par les oiseaux.
Pour
conclure, vous semblez confiante dans la gestion de l’environnement par
l’AIG.
Les
questions environnementales sont gérées sur notre site depuis longtemps.
La qualité de l’environnement de l’aéroport, et des eaux que nous
rejetons, font l’objet d’une attention soutenue de notre part.
Le 25 janvier 2006, dans le
cadre d’un entretien sur la politique environnementale mise sur pied par
l’Aérodrome de Payerne, les responsables de l’Environnement et du
Service du feu de l’Aérodrome de Payerne, MM Dubi, Masset et Huguet
(respectivement de gauche à droite sur la photo) se sont volontiers
prêtés au jeu des questions/réponses, qui nous permettent de découvrir
de quelle manière le risque de pollution est abordé et géré par le
Département fédéral de la défense, respectivement par la base aérienne
de Payerne.
De gauche à droite, MM Dubi, Masset et Huguet devant un
Pilatus PC7 à Payerne
Quel est le statut
juridique de l’Aérodrome de Payerne et comment est-il structuré du point
de vue environnemental ?
Réponse
collective
(RC) : L’Aérodrome de Payerne a un statut militaire. Il ne
bénéficie pas d’un statut particulier vis-à-vis de l’environnement. Le
DDPS est tenu de respecter la loi et les ordonnances liées de
l'environnement comme tout citoyen et organisation en Suisse.
L’aérodrome réalise-t-il
des mesures régulières du taux de polluants tant au sol que dans les
eaux alentours ?
RC :
Pour le moment aucune mesure des taux de polluants n’est réalisée
sur l’Aérodrome de Payerne. Actuellement nous effectuons l'analyse des
sites potentiellement contaminés selon les directives émises par le
secrétariat général du DDPS.
Y a-t-il une période dans
l’année durant laquelle vous pensez que le taux de pollution sur
l’aérodrome est plus important en raison du climat ?
RC :
Lorsqu’il y a une couverture nuageuse basse, principalement en
automne et au printemps, les matières en suspension retombent assez
rapidement au sol. De ce constat, on pourrait dire effectivement que
selon certaines conditions climatiques, le taux de matières polluantes
au sol sur la zone de l’aérodrome augmente. Nous ne pouvons par contre
pas évaluer quelle part de cette pollution est due aux activités de la
base aérienne. Il convient de préciser que seule une petite quantité de
ce kérosène est brûlée dans la région payernoise, lors des décollages et
atterrissages.
Comment sont aujourd’hui
traitées les eaux usées de l’aérodrome ?
RC :
Il existe sur la zone de l’aérodrome un réseau urbain d’eaux usées
mesurant environ 45 km de longueur et qui écoule les eaux directement à
la STEP de la Petite Glâne. L’Association Intercommunale de la Petite
Glâne (AIPG) traite les eaux d’une dizaine de communes avoisinantes
ainsi que celles de notre aérodrome.
Zone spécialement dédiée aux
exercices d'extinction d'incendie à l'Aérodrome de Payerne
En cas de problème majeur
(accident, fuite d’hydrocarbures, etc.), l’Aérodrome de Payerne est-il
d’après vous capable aujourd’hui de faire face seul, avec ses propres
moyens, à une pollution importante ?
RC :
Cela dépend de l’ampleur du phénomène. En principe nos services
internes de secours interviennent en premier sur la zone de l’accident.
Si une pollution d’un cours d’eau devait avoir lieu, nous ferions appel
aux centres de renfort de Payerne ou d'Estavayer-le-Lac, qui
installeraient des barrages afin de limiter la contamination. Mais la
neutralisation locale de la pollution sera prioritairement assurée par
le personnel d’intervention de la base aérienne. Dans la grande majorité
des cas, nous sommes en mesure de répondre nous-mêmes à ce type
d’incident. Nous traitons le site et l’assainissons.
Concernant la compensation
écologique, quelle est la place laissée à la valorisation des milieux
aquatiques sur l’Aérodrome de Payerne ?
RC :
Nous n’avons pas de zone aquatique digne de protection particulière
sur le site de l’Aérodrome de Payerne. Tous les marais sur lesquels
l’aérodrome a été construit ont bien entendu été asséchés. Toutefois,
dans le cadre du projet NPA (Nature-Paysage-Armée), une des mesures
prévoit de remettre à ciel ouvert une zone humide d’une certaine taille
permettant la création d’un étang d’environ 30 ares (3000 m2).
Cette mesure permettrait de drainer les terrains alentours qui sont
situés en zone inondable. Cet endroit est situé à une centaine de mètres
de la piste.
La conscience écologique
est-elle un thème prioritaire pour l’Aérodrome de Payerne ?
RC :
Bien entendu, le Département de la défense a permis la sauvegarde de
sites de valeur environnementale et paysagère d’une manière durable, en
protégeant ces zones des investisseurs immobiliers, de la déprédation ou
de l’occupation. Ces sites sont restés à l’état naturel et sont souvent
des zones refuges pour la flore et la faune.
Pour conclure, quelle est
votre appréciation sur l’importance de l’eau dans votre environnement
militaire ?
RC :
La qualité de l’eau est un thème primordial pour le Département de la
défense, qui cherche à réduire au minimum l’impact de ses activités sur
les espaces naturels qu’il occupe. L’eau est un bien utilisé avec
modération par l’armée. Celle-ci édicte des prescriptions et des
recommandations sur le comportement à adopter dans les installations et
dans la nature. À cet effet, une nouvelle station de lavage d’avion,
avec récupération et traitement de l'eau en vue de sa réutilisation, est
actuellement à l'enquête publique.
L'aérodrome régional
d'Yverdon-les-Bains après la pluie
CONTENU :
64 pages A4, photos couleurs
COMMANDE :
Nos brochures sont à vendre. Merci de nous contacter.
Le Programme Eau21 ne poursuit aucun but lucratif.
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Février 2006
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