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Lisa Schneider

avec la participation de Philippe Feune et Georges Barraud


Patrimoine au fil de l'eau :

à la découverte des richesses du Vallon de la Mentue


Cette brochure du Programme Eau 21 n'est peut-être pas tout à fait comme les précédentes. En effet si l'on retrouve le schéma des autres études elle se termine par un objectif futur qui aura pour cadre les sentiers de la Mentue. La Mentue (qui peut également s'orthographier Menthue) est l'une des rares rivières du canton de Vaud où, de sa source dans le Jorat à son embouchure dans le lac de Neuchâtel, aucun itinéraire pédestre ne permet d’en suivre entièrement le cours. Bien sûr elle n’est pas inaccessible, des sentiers la longent quelques fois, mais ils se terminent généralement en cul de sac, et il est rare que deux chemins communaux soient reliés ensemble. La configuration encaissée de son parcours joue en sa défaveur; les éboulements molassiques ou les gonflements subits de son eau empêchent de créer un sentier pédestre tout le long de cette vallée profonde. Les riverains, les pêcheurs et les amoureux de la nature ne tarissent pas d’éloges sur cette rivière. Pourtant, lorsqu’on l’étudie, on la sent oubliée des ouvrages, des études du territoire; et si certains écrivains en font mention c’est qu’inévitablement, elle passe à un moment ou à un autre sur l’une des communes du Gros-de-Vaud et du Nord Vaudois. Car la Mentue coupe verticalement le Plateau suisse du lac Léman au lac de Neuchâtel. Elle traverse les districts d’Echallens, de Moudon et d’Yverdon et va se jeter dans le lac de Neuchâtel à Yvonand.

L’étude qui nous concerne consiste globalement en une recherche sur le tourisme pédestre le long de la Mentue, pour promouvoir cette rivière chère au cœur des randonneurs. Elle se divise en trois parties :

  1. Recherche historique : documents et témoignages sur les villages et les lieux situés le long du cours d’eau ou étant liés, d’une façon ou d’une autre, à la Mentue. Ce chapitre permettra de définir les sites d’intérêts. Avec des recherches plus approfondies sur l'usine Morandi à Peyres-Possens, l'ancienne usine Nestlé à Bercher, le moulin de Cronay et la villa gallo-romaine de Mordagne. Les positions militaires le long du cours d'eau sont également abordées.
  2. Recherche des sentiers pédestres existants et étude pour effectuer des propositions de prolongation.
  3. Étude, à travers divers entretiens avec de nombreux acteurs privés ou publics, sur la faisabilité des propositions selon différents critères: planification (milieux forestiers, agricoles, écologiques); autorisations (cantonales, communales); aspects financiers publics et privés et en dernier lieu, la possible mise en œuvre, tant dans le domaine public que privé.



La Mentue près de Villars-Tiercelin

Notons encore la partie captivante représentée par les photographies, tant artistiques, paysagistes qu'historiques, qui agrémente les pages de la brochure si elles ne sont pas elles-mêmes des pages entières.

La Mentue c'est tout un passé historique avec ses moulins, ses ponts et ses villages qui la surplombent pour la plupart : Villars-Tiercelin, Poliez-Pittet, Montaubion-Chardonnay, Dommartin, Naz, Fey, Peyres-Possens, Boulens, Bercher, Saint-Cierges, Ogens, Bioley-Magnoux, Gossens, Donneloye, Cronay, le hameau de La Mauguettaz et enfin Yvonand. Pour le passé proche, nous avons eu de la chance de rencontrer trois personnes qui ont vécu l'activité humaine qui se déroulait encore à la fin de la seconde moitié du 20e siècle le long des rives de la Mentue : Fernande Meige (née Dufour), agricultrice, qui a vu le jour en 1919 à Dommartin, au lieu-dit la Scie. Elle y est restée jusqu’à l’âge de 29 ans puis s’est mariée et est partie vivre deux ans à Niédens, avant de revenir à Dommartin en 1950 avec son mari et leurs enfants. Des six filles Dufour, deux seules sont restées à Dommartin dont Fernande, qui actuellement y vit encore. Paul Delessert, agriculteur, est né en 1923. Gamin, il allait porter le courrier dans tout Dommartin ainsi qu’à Montaubion-Chardonney. Ginette Burkhard-Gillieron, née en 1944, est l’ancienne propriétaire et la fille du dernier scieur du Moulin de Cronay.

Philippe Vioget, directeur du SESAPour le présent, c'est Philippe Vioget, directeur du laboratoire du Service vaudois des eaux, sols et assainissement qui a bien voulu répondre à nos questions dont nous en reproduisons deux :

Que représente la Mentue dans le canton ?

La Mentue est l’une des rivières du canton, parmi les 4000 kilomètres de cours d’eau recensés sur le territoire. Chaque rivière est hiérarchisée en fonction de sa nature. La Mentue est une rivière « rurale », c'est-à-dire qu’elle ne traverse pas d’agglomérations importantes et que son tracé n’est que très peu canalisé ou remanié. Elle reste intacte du point de vue morphologique, par contre la pression agricole se fait tout de même sentir par des rejets de pesticides ou des lavages intempestifs de matériel agricole.

En quoi consiste la surveillance des eaux d’une rivière comme la Mentue ?

Sur la Mentue et sur son affluent le Sauteru, nous procédons à des analyses physico-chimiques en divers points de son parcours (dix sites) et nous relevons de manière suivie la teneur biologique des eaux, ainsi que de la bonne qualité des eaux de rejet des stations d’épuration. Pour juger de la qualité de l’eau, nous considérons la globalité des organismes vivant dans l’eau (indice Rivaud) et si leur diversité devient moindre, nous pouvons dire que la qualité biologique est moins bonne.

Pour le futur, Lisa Schneider s'est occupée d'un projet de valorisation de la Mentue dans la proposition et l'étude pour la réalisation de deux trajets de sentiers pédestres. " Le projet de proposer deux sentiers, nous dit-elle, est incité premièrement par la longueur de la balade qui suit le trajet de la rivière et deuxièmement par l’éloignement des villages frontaliers à la Mentue. Il est nécessaire de mettre la valeur de ces villages en lumière pour dynamiser le tourisme régional et faire partager aux visiteurs la beauté du patrimoine. La définition de nos sentiers pédestres s’allie au concept des chemins pédestres vaudois et se base pour la majeure partie de son parcours sur les itinéraires déjà installés. Les itinéraires qui servent à la valorisation de la Mentue peuvent cependant dévier des tracés de l’AVTP (Association Vaudoise du Tourisme Pédestre). Des connexions entre les chemins existants sont à créer pour permettre au promeneur une visite continue. La mobilité douce donne la priorité aux randonneurs pédestres et principalement familial. Les cyclistes ainsi que les randonneurs équestres devront suivre les indications pour contourner certains tronçons jugés trop fragiles. À long terme, pour offrir à l’eau, sculptrice des éléments, de sérieux concurrents, mettre en scène les artistes et artisans locaux et régionaux avec l’appui d’artistes reconnus, permettrait d’inclure un aspect culturel au projet et de renforcer la particularité créative d’une rivière encore sauvage. "Opposer la nature brute avec la recherche de l’homme vers la beauté des formes, vers l’absolu."                 
                                                                                                             Falaise de la Mentue
                                                                      

Premier sentier proposé : le chemin de la Mentue.

Il l’accompagne sur tout son parcours, selon les particularités du terrain et les possibilités d’approche. Des bornes d’informations (leur création pourrait être mise au concours pour les artisans régionaux par exemple) seront posées sur les sites d’importance régionale pour apporter aux marcheurs des informations sur ces derniers.

Second sentier proposé : le chemin des communes

Il suivra la Mentue mais en donnant une plus grande importance au paysage et aux villages riverains. C’est le parcours idéal pour les circuits en boucle. Les villages ont déjà mis en place des parcours circulaires qui pourront être intégrés au projet, selon la volonté des communes. Les tronçons manquants seront aménagés avec l’avis, les conseils et l’accord des communes concernées.

Les sites d’importance paysagère :

Voici quelques sites qui sont particulièrement intéressants pour l’élaboration de panneaux d’informations :

   -     Au Novallus (colline) de Cronay : création d’un panorama (vue sur la vallée de la Mentue depuis Donneloye jusqu’au Jorat) et une information sur l’interprétation paysagère.

  -  Au lieu dit « Moulin des Engrins » : informations concernant les moulins sur la Mentue.

   -   Dans le Jorat : informations sur les sources, l’exploitation forestière et la problématique de l’eau.

Naturellement Lisa Schneider ne s'est pas contentée d'aller sur le terrain et de lire des comptes-rendus, mais a demandé l'avis des acteurs publics et privés. Nous donnons ici quelques extraits de ses rencontres. Les premières sont de Laurent Curchod de l'Association du Gros-de-Vaud pour connaître son avis sur l’importance du tourisme rural dans sa région :

Laurent Curchod, responsable de l'Association Gros-de-VaudQuel bilan peut-on faire aujourd’hui sur le dynamisme de votre région ?

Les centres urbains étant très proches, la région doit entreprendre des projets correctement dimensionnés qui s’inscrivent dans un milieu rural où la progression démographique urbaine est forte. Tout a changé depuis vingt ans. Nous avons à faire à des citadins qui se sont établis dans la région et qui veulent trouver un certain nombre de prestations : tourisme pédestre, randonnées équestres, etc.
 

Concernant le patrimoine local, que faire pour attirer les gens ?

Il manque encore des animations sur un plan régional pour promouvoir le patrimoine et trouver des prestataires autour de thèmes liés au tourisme en milieu rural, comme le tourisme pédestre, qui est une part importante. À cet égard, le Chemin des Blés est pour nous un produit touristique important car aussi, à composante culturelle. C’est un des plus grands de Suisse romande, faisant plus de cent kilomètres, avec ses six sites thématiques répartis sur son réseau. Lors de la prochaine création de l’Office, il est clair que nous le valoriserons en étroite collaboration avec Anne Quillet Razali, sa créatrice.

Dans le but d’avoir des indications sur la faisabilité de notre projet de sentiers, Lisa Schneider a pris contact avec l’ADNV (Association du Nord Vaudois). Christine Leu, responsable de la stratégie régionale d’aménagement, l’a reçue le 4 octobre 2007 à Yverdon, dans les locaux de l’Association.

Les communes sont-elles prêtes aujourd’hui à soutenir le tourisme patrimonial ?

Nous avions proposé à Yvonand un projet touristique il y a quelques années, Christine Leu, responsable de la stratégie régionale à l'ADNVmais la commune ne se sentait pas encore suffisamment prête. Désormais, il y a une prise de conscience de la part des communes de vouloir se lancer ou valoriser leur patrimoine de manière « touristique », tout en préservant les valeurs naturelles. Il est vrai qu’il y a des endroits plus sensibles que d’autres de ce point de vue et qu’il est important d’assurer une bonne collaboration, notamment avec les services cantonaux concernés, en l’occurrence le SFFN.

Et financièrement ?

Les communes doivent montrer leur intérêt pour obtenir de l’argent, elles doivent prouver leur engagement. C’est un changement de perspectives au niveau du Canton par rapport à la demande de moyens financiers. Certes, il y a toujours les problèmes liés aux infrastructures légères (je suppose qu’il n’y aura que des petits ouvrages d’art dans votre projet). Les aides qui existaient sur le plan public étaient de type : infrastructures, constructions, etc. Votre projet va plus loin et cela rentre de plus dans notre vision, ce qui est intéressant. Malgré cela, nous ne disposons pas librement de moyens financiers publics.

Quels sont les critères ?

Une personne de référence doit porter le projet. Il est possible de créer un comité de pilotage, une association, etc. Nous avons une plateforme de collaboration dans le cadre de la stratégie régionale, de l’aménagement du territoire, qui s’appelle plateforme Mentue. Dans un premier temps, votre projet pourrait être présenté dans ce cadre-là, afin d’avoir un échange enrichissant, discuter de l’intérêt des communes pour ce projet. Les modalités plus concrètes de mise en œuvre pourraient alors être traitées.

Quelle est la marche à suivre pour voir aboutir ce type de projet ?

Il faut construire le projet, le chiffrer, aller voir les responsables de l’AVTP, qui ont une expérience en matière de tracé de chemins, s’approcher du SFFN ; ces organismes clarifieront les possibilités réelles de tracé selon les caractéristiques de la Mentue. Quelques sites d’interprétation du paysage, comme le Chemin des Blés l’a fait, donnent au promeneur un but et une valeur ajoutée par les connaissances ainsi transmises.

Entretien avec Anne Quillet Razali du Chemin des Blés :

Lisa Schneider avec Anne Quillet Razali responsable du Chemin des BlésEst-ce vous-même qui avez eu l’idée du Chemin des Blés ?

Oui, en m’installant à Granges-Marnand et en me promenant à la découverte de la région. La beauté du paysage traversé, les cultures et en particulier le blé au fil des saisons, avec la moisson comme point culminant m’ont touchée. Enfin, une réflexion par rapport à l’agriculture a conduit à la naissance de l’idée et le projet s’est construit.
 Mme Anne Quillet Razali, responsable du chemin des blés
                               avec Lisa Schneider

Au début, quels étaient les contacts avec les habitants des villages ?

J’ai noué les premiers contacts avec les institutions agricoles puis touristiques, les assemblées de communes puis les municipalités. On trouvait l’idée sympathique mais cela s’arrêtait souvent là lorsque les questions financières entraient en ligne de compte. Les communes ont accepté une participation d’encouragement de 500 francs au démarrage du projet.

Comment avez-vous amené les différentes personnes à s’intéresser à votre projet ?

Il a fallu d’abord définir un concept précis, le parcours, évaluer des coûts… Ceci afin d’être crédible auprès des décideurs et afin que chacun aie une image concrète du projet. Grâce à cette base solide le concept de départ est resté le même dans les grandes lignes.

Comment l’association fonctionne-t-elle ?

Pour mener à bien un tel projet, il faut diriger les opérations au quotidien. Il y a donc une direction générale et un comité d’association à qui je présente le suivi des activités (environ 5 à 6 séances par année). Mes activités couvrent l’aménagement général (sites, balisage, panneaux, villages, etc.) la communication (dépliants, bulletins, relations avec la presse), la recherche de fonds et l’administration. L’entretien du chemin est assuré par un de nos membres, Michel Rossat. La caissière de l’association, Sonia Viret, s’occupe également du ficher des membres. Un membre du comité architecte, P.-A. Marti, a participé à l’élaboration structurelle des sites. Nous nous sommes entourés de spécialistes. La plus grande partie des fonds a été fournie par la Confédération, l’État de Vaud et la Loterie Romande.

Pouvez-vous nous donner des précisions sur le financement du Chemin des Blés ?

La Confédération a financé le projet à 50%, de 1999 à 2004, les autres 50% proviennent de l’État de Vaud, de la Loterie Romande et d’entreprises privées. Les cotisations des membres (stabilisés à 250) sont de 30 francs par personne, 50 francs pour les couples et 100 francs pour les collectivités.

Quels sont les coûts pour la réalisation d’un sentier pédestre comme le vôtre ?

Pour le balisage, c’est de l’ordre de 40'000 francs jusqu’à ce jour. Pour la totalité du projet, le budget est d’environ 1,5 million de francs. La recherche de partenaires est une fonction qui prend beaucoup de temps.

Les communes vous ont-elles appuyé ?

Les quarante communes traversées par le Chemin des Blés font partie de notre association comme membres collectifs. Une personne par commune fait partie d’un groupe de répondants pour le Chemin des Blés. Ce concept a été mis en veille car la participation n’était pas suffisante. Nous envisageons de le relancer. Les villages bénéficiant d’un site ont mis à disposition le terrain pour les panneaux; dans les villages la structure a été fixée par la commune.


Au coeur de la nature

Pensez-vous qu’il y aurait des possibilités de créer de nouveaux sentiers le long de la Mentue ? Seriez-vous intéressée ?

Le Chemin des Blés suit la Mentue sur quelques kilomètres, la domine et la côtoie par endroits. Cette proximité ne peut que nous rapprocher, il y a certainement des idées à explorer. Des propositions informelles de rejoindre le Moulin de Lussery sur la Venoge, restauré par Eric Vion archéologue, ont été évoquées également. Il y a de quoi faire !

Toute personne ayant le projet d’utiliser la force de l’eau doit s’adresser au SESA (Service des Eaux, Sols et Assainissements). Pour en savoir plus, Lisa Schneider a été reçue le 8 octobre 2008 à Lausanne par le responsable de la gestion du domaine public des cours d’eau et lacs de la Division économie hydraulique, Michel Cosendai, ingénieur géomètre, accompagné par Silvia Ansermet, juriste du SESA.

À qui incombe l’entretien des installations nécessaires au fonctionnement des moulins ?

Le coût d’entretien pour la maintenance de ces installations est important. Le canal de dérivation appartient au propriétaire du bâtiment qui finance les travaux de dessablage, les problèmes de fuite, etc. L’installation concernant le turbinage incombe aussi au propriétaire, ce qui représente un investissement important. Les moulins sont souvent en très mauvais état, les remettre en fonction n’est pas simple et génère des coûts importants. Le barrage, lui, se trouve sur le domaine public mais est à charge du concessionnaire, c’est-à-dire qu’il est responsable de la surveillance et de l’entretien.

Selon vous, peut-on encore développer de nouvelles productions d’énergie sur la Mentue ?

Cela demanderait un véritable investissement, en plus des règles environnementales très strictes à respecter. Actuellement selon les saisons et les cours d’eau, les débits minima sont souvent déjà en dessous du seuil du débit minimum défini par la Confédération. Sur les parties supérieures du bassin versant de la Mentue, je crains que le débit soit insuffisant pour obtenir une production rentable.

Je me suis beaucoup promenée sur les bords de la Mentue. En prenant, comme exemple, le barrage de l’ancien Moulin de Villars-Tiercelin, en mauvais état, qui pourrait assumer les coûts de remise en état ?

Moulin de Cronay

Il faut d’abord se renseigner afin de savoir si la concession a été radiée ou non. Si le barrage pose problème, ou est vraiment une entrave à la migration piscicole, nous pourrions alors mettre en œuvre une procédure, des discussions avec le concessionnaire — s’il existe encore — pour un projet d’échelle à poissons. C’est ce que nous avons fait au célèbre barrage du Moulin de Cronay, avec la participation financière de l’ancien concessionnaire. Cette remise en état a été très coûteuse (de 300'000 à 400'000 francs) et particulièrement difficile, en rapport avec l’instabilité du terrain.

Quels aprioris auriez-vous concernant des prolongements des cheminements de pêcheurs en sentiers pédestres comme l’implique notre projet ?
  
Scierie du Moulin de Cronay
 

Tout ce qui se construit à moins de vingt mètres d’un cours d’eau dépendant du domaine public est soumis à autorisation spéciale et à une mise à l’enquête. Pour les éventuels travaux de construction de passerelles, nous sommes directement engagés en procédure. Nous allons définir son gabarit en fonction des hauteurs de crues. Nous serons déterminants au niveau de la construction technique de l’ouvrage et nous mettrons en circulation le dossier auprès des services de l’État et ensuite à l’enquête publique. Pour tous les cheminements en forêt, vous devrez disposer d’autorisations en matière forestière (abattage d’arbres), de conservation de la faune et de la nature (milieux sensibles), du développement territorial (construire hors zone à bâtir) et du Service de la mobilité (gestion des réseaux pédestres). Ces services vont intervenir en parallèle. Pour les sentiers pédestres ouverts au public, une simple convention ou signature d’un propriétaire est insuffisante à long terme. Ainsi en cas de litiges ou de décès du signataire, il serait judicieux de convenir d’une servitude de droit de passage public afin de pouvoir disposer d’une garantie de la pérennité du cheminement construit.

Le Service des forêts, faune et nature (SFFN) est un service incontournable pour la faisabilité d’un projet de sentier. Aussi Lisa Schneider a pu rencontrer Pierre Henrioux, surveillant de la faune, Alain Seletto, garde-pêche et Dominique Iseli, conservation de la nature, le 1er novembre 2007 dans nos locaux.



Selon vous, quels sont les secteurs sensibles de la Mentue ?

Dominique Iseli (DI) : Les rivières servent aux déplacements de la faune, elles garantissent leur tranquillité. En ce qui concerne la Mentue, le projet de réserve forestière nous tient à cœur. La faune a besoin de secteurs calmes car il n’y en a plus beaucoup. Nous serions plutôt opposés à des nouveaux cheminements sur la rive gauche qui couperaient la réserve en deux. Toutefois un chemin pourrait suivre le vallon depuis le sommet de la rive droite. On pourrait même dégager un site choisi pour permettre aux promeneurs d’avoir une vue générale sur une partie du Vallon. Toutefois, aucune construction en dur n’est autorisée dans les réserves forestières.

Concernant des projets futurs de chemins, voyez-vous des obstacles dans ces zones précises ?

DI : En tenant compte du statut des zones de réserve de faune ou de réserve forestière, intégrales ou partielles, il n’est pas souhaitable de créer de nouveaux sentiers. Les sentiers existants pourraient être aménagés en pistes à l’anglaise (perches et copeaux) Les gens sont surtout demandeurs de sols naturels bien balisés. Les constructions de passerelles sont assez délicates car le cours d’eau évolue beaucoup et agresse rapidement les constructions. Il faudrait retenir des systèmes avec des câblages, des passerelles suspendues (ponts de cordes), pour éviter les mouvements d’érosion continus de l’eau au contact des constructions en dur et limiter leur utilisation aux seuls randonneurs. Il n’est toutefois pas souhaitable d’accroître l’accès au site dans les secteurs actuellement préservés.

Quelles sont les espèces présentes dans le Vallon ?

AS : La Mentue accueille les truites de rivière (fario) et lacustres (en hiver), l’ombre commun, le vairon, le chevesne, le barbeau, la lotte franche et de petites populations d’écrevisses blanches. Le castor est présent sur le secteur des Fours de la Baume jusqu’à Bioley-Magnoux. Il faut être très attentif lorsqu’on passe sur des gués sablonneux entre novembre et février, ces bancs de sables et graviers dans une eau peu profonde sont utilisés par les truites pour frayer. Les pêcheurs y font de plus en plus attention. Pour implanter d’éventuels nouveaux sentiers, il faudra donc choisir les endroits avec réflexion. À l’embouchure, il n’y a aucune directive spécifique pour la faune piscicole. La navigation, sur la Mentue, est interdite partout.

PH : Le chamois, le chevreuil, le renard, le blaireau, le putois, la martre (intéressante car pas très présente sur le plateau), le lynx, le sanglier sont présents ainsi que le faucon pèlerin, le martin-pêcheur, le cincle plongeur, la bergeronnette des ruisseaux, les grands corbeaux et les hérons (sans colonies). Pour les reptiles, est présente la couleuvre à collier.

Dans le but de recueillir des informations sur les limites d’actions de la protection civile (PCi) il y a eu des entretiens avec Marc Dumartheray, capitaine, à Echallens, Edmond Pasquier, commandant à Moudon ainsi qu'avec Alain Tzaud et Steve Despland respectivement commandant et commandant suppléant de la PCi d’Yverdon. La Mentue est presque en permanence dans un couloir boisé, aussi il nous a paru utile de connaître le point de vue des professionnels de la forêt avec Bernard Graf (BG) et Pierre Cherbuin (PC), ingénieurs-forestiers :

Quelle est l’importance de la Mentue pour le Canton? Comment se traduit-elle ?

PC : C’est un cours d’eau fondamental car il relie la ville de Lausanne en tant que dorsale géographique. De plus, il présente encore des caractéristiques naturelles. La Mentue est identique aux rivières telles que le Talent et la Broye. Elle n’est vraiment endiguée qu’à partir de l’entrée de l’agglomération d’Yvonand. C’est le seul tronçon où l’on peut dire qu’il y a une artificialisation du cours d’eau. Sinon, la dorsale, ainsi que tous ses affluents, sont quasiment intacts. Comme je l’ai dit, le seul secteur qui ait été remanié est une petite zone à l’entrée d’Yvonand. Heureusement, les abords de la rivière sont encore d’une assez bonne qualité, vu les pressions extérieures. De ce fait, la quasi-totalité du cours d’eau est naturel. Grâce à son territoire très diversifié sur les deux rives, des coups de boutoirs n’ont pas lieu lors de crues, comme on a pu le voir au Buron, autre rivière près d’Yverdon.
                                                                                                Viaduc au-dessus de La Mauguettaz

À cet égard, où en est la Mentue selon vous ?

PC et BG : Aujourd’hui, la majeure partie des communes est reliée à une station d’épuration. La Mentue est relativement propre mais il reste un petit nombre de moulins et de maisons isolées où la situation doit encore être corrigée. Mais ce n’est pas un problème à l’échelle du bassin. Le plus grand problème se trouve dans le côté artificiel de l’agriculture liée à l’antiparasitaire (pesticides, insecticides) qui retourne d’une question de gestion et de prescription agricole. En tant que forestier, on ne peut que constater cette situation et faire en sorte que l’arrivée des eaux de drainage se fasse le mieux possible (collecter les eaux de surface venant des routes et des cultures). Aux points de collecte, on observe souvent des glissements de terrain importants qui surviennent dix à trente ans plus tard. Il semblerait que les dérèglements climatiques, en plus de la systématisation de la récupération des eaux de surface, engendrent des glissements comme si la capacité tampon du paysage avait été épuisée, notamment depuis 2000 où un certain seuil semble avoir été dépassé. Les données scientifiques, l’argent et le temps manquent pour établir et confirmer ces observations.

Existe-t-il des normes pour la construction d’un chemin pédestre en forêt ?

PC : La plupart des sentiers existants sur les bords de la Mentue sont dits « sentiers sauvages » (droit de libre accès en forêt, droit qui n’existe pas pour les surfaces agricoles où il est interdit de pénétrer). Aussi, ne sont-ils pas officialisés et la responsabilité incombe aux promeneurs. Dès qu’il y a une reconnaissance officielle de l’existence d’un chemin, que celui-ci figure sur un plan, une carte, un site Internet, qu’il soit balisé, il devient pratiquement un ouvrage. Concernant la faisabilité d’un projet tel que le vôtre, il est important de traiter la responsabilité respective du propriétaire foncier ainsi que celle du propriétaire de l’ouvrage. Elle doit être analysée tronçon pas tronçon pour clarifier, le cas échéant devant le notaire, un droit de servitude. Si la preuve est apportée que le chemin existe depuis plus de trente ans (prescription acquisitive), les responsabilités changent selon la constitution de servitude automatique. Ce système fonctionne pour tous les chemins pédestres suisses, AVTP inclus. Il n’en reste pas moins qu’il manque souvent des avis de droit, trop chers et compliqués, ce qui risque d’avoir des conséquences tôt ou tard.

Pour connaître la politique cantonale en matière de chemins pédestres, Lisa Schneider et Maurice Montandon ont été reçus à Lausanne le 16 octobre 2007 par Stéphanie Manoni, géographe et responsable des mobilités durables du Service de la mobilité du canton de Vaud.

Stéphanie Manoni, responsable au service la mobilité du canton de VaudQuelle est l’implication de votre service en ce qui concerne les itinéraires pédestres ?

Nous nous occupons du réseau des chemins pédestres par le biais de l’Association vaudoise pour le tourisme pédestre (AVTP). Nous déléguons à cette association, entre autres : le choix des itinéraires pédestres, la définition des itinéraires et, de manière plus importante, le balisage. L’AVTP est responsable de la mise en place des panneaux d’indication ainsi que de l’entretien. Chaque année nous subventionnons cette association pour ce travail. Nous sommes partenaires du projet « SuisseMobile » en parallèle avec le Service des routes (SR) et le Service de l’économie, du logement et du tourisme (SELT). En partenariat avec la Confédération et plusieurs organismes de tourisme, sport et transports, nous cofinançons ce projet qui sera officiellement inauguré en mai 2008. Dans ce cadre-là, il y a toute une série d’itinéraires : « La Suisse à Pied », « La Suisse à Vélo », « La Suisse à VTT », « La Suisse en Roller » et « La Suisse en Canoë ». Pour ce dernier, nous avions un projet sur le lac de Neuchâtel, mais nous avons dû l'abandonner pour des raisons de proximité avec la réserve naturelle de la Grande Cariçaie. 

Selon le projet SuisseMobile, le balisage est à respecter. Offrez-vous des subventions pour que l’on puisse respecter les normes de balisage ?

Le projet SuisseMobile implique de respecter les normes de balisage en vigueur, une directive a été mise en place en février 2006 à cet effet. Elle a une valeur d’instruction impérative et repose sur l’Ordonnance sur la signalisation routière et sur l’Ordonnance sur les chemins pour piétons et les chemins de randonnée pédestre. Cette norme impose des règles pour les itinéraires nationaux, régionaux et locaux. En principe, tout nouveau balisage doit s’y conformer, y compris pour les itinéraires locaux. Les subventions cantonales sont accordées à l’AVTP pour le balisage au niveau cantonal. La part des subventions pour les itinéraires locaux est de leur ressort. Il est vrai que les financements accordés cette année et pour le début 2008, vont en priorité pour « La Suisse à pied » de SuisseMobile.


Pont près de Dommartin

Valoriser la Mentue : quelle perspective ? C'est à cette question que tente de répondre Lisa Schnieder en guise de conclusion.

J’ai découvert la Mentue comme on feuillette un livre. Chaque instant à passer dans son vallon était autant de pages parcourues vers le passé des hommes et les beautés de la nature. La rivière m’a littéralement ensorcelée. Et je ne suis pas la seule à le dire. Bien des personnes que j’ai rencontrées, pour essayer de mieux comprendre ce cours d’eau, me l’on dit par le coeur. L’idée de proposer un sentier pédestre s’est imposée naturellement. Tous ces villages au caractère fort, ces moulins déchus, ces beaux ponts discrets et cette particularité des ambiances de l’eau traversant les régions du Gros-de-Vaud et du Nord Vaudois, nous rappellent une richesse qui mérite d’être découverte et valorisée. La réalisation du sentier proposé incitera le promeneur à renouer avec les éléments historiques et naturels, à communiquer avec le monde agricole et à savourer les produits locaux. La mobilité douce a une place prépondérante dans ce projet et influencera fortement le choix des matériaux pour la mise en oeuvre des éventuelles connexions à créer le long du Vallon de la Mentue. J’ai eu la chance de rencontrer de nombreuses personnes pour discuter du projet. Elles m’on donné les renseignements nécessaires pour le faire évoluer. Il éveille les curiosités et suscite l’intérêt général que ce soit auprès des habitants des villages, des différents services étatiques ou des associations régionales rencontrés. Sur cette base, l’espoir de voir le projet se concrétiser est réel ! Reste un cap important à franchir, la présentation du projet aux communes, qui permettra de récolter leur avis et de savoir si les mesures que nous proposons sont bien ciblées. J’ai déjà rencontré, grâce à Christine Leu (ADNV), des délégués des communes du Nord Vaudois qui m’ont confirmé leur intérêt pour ce projet, qu’ils considèrent d’importance régionale. Grâce à Laurent Curchod de l’association du Gros-de-Vaud, les communes de cette région auront la possibilité d’apprécier le projet, en janvier, et pourront également nous donner leur avis. Si cette dernière démarche trouve un écho positif, je pourrai, grâce à une collaboration étroite des communes, aller de l’avant et finaliser le projet. Cette perspective de partager les atouts régionaux avec les futurs promeneurs et randonneurs, de valoriser ces régions pour qu’elles jouissent de retombées économiques à travers le tourisme rural et l’écotourisme, me donne l’énergie et l’engagement nécessaire pour développer et faire aboutir le projet.

Embouchure de la Mentue dans le lac de Neuchâtel à Yvonand


Auteurs et co-auteurs de la présente étude :

Lisa Schneider est née en 1977, à Berne. Elle a débuté son parcours professionnel par un CFC de palefrenière-soigneuse. Elle a travaillé en Suisse, en France et en Allemagne. En 2001, elle entreprend des études d’architecture du paysage à l'École d’ingénieurs de Lullier (GE) où elle a obtenu un diplôme d’architecte-paysagiste en 2006. Elle accepte un mandat du Programme Eau 21 en 2007, en qualité de chargée de recherche, pour collaborer à la conduite d’une étude sur la Mentue en portant son regard sur le paysage étonnant et méconnu de cette région.

Georges Barraud est né en 1947. Après avoir obtenu un diplôme d’ingénieur-civil à l’École polytechnique fédérale de Lausanne, il a coopéré à des travaux d'entreprises en Suisse, en France et en Afrique, dans le domaine de la construction. Il a également participé, comme directeur des travaux, à la construction d'ouvrages importants, en collaboration avec des ateliers d'architecture.

Philippe Feune est né dans le Jura en 1955. Compositeur typographe de profession, il a voyagé pendant 10 ans à travers le monde, à la suite de quoi il a poursuivi sa formation et obtenu un certificat de bureau et commerce. Mordu d’histoire, il se passionne pour la Première Guerre mondiale et publie quelques livres et articles sur ce sujet, avant de se tourner vers la psychologie des profondeurs, ce qui l’amène naturellement à l’étude de l’histoire des religions et en particulier des sources sacrées.


 88 pages A4, photos couleurs

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Décembre 2007
 


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